Bibliothèque de droit public - Tome 300 - Nationaux et étrangers en droit public français - 53

UNE DISTINCTION DIffICILE DES CONCEPTS DE NATIONAL ET D'ÉTRANGER

volonté entre l'individu futur détenteur de la nationalité et l'État auquel il sera rattaché par le lien de nationalité. Se pose alors évidemment la question de savoir comment
a lieu cet accord de volontés. Pour André Weiss, principal défenseur de la théorie de la
nationalité-contrat, le consentement de l'État nécessaire à la formation du contrat
s'exprime à travers la loi, une loi générale qui statue in futurum.62 Le consentement du
national peut-être quant à lui exprès ou tacite : soit il demande à jouir du droit de cité,
soit il ne fait rien pour s'y soustraire s'il l'a obtenu de droit.
Cette théorie, dérivée de la théorie contractualiste de Rousseau, suppose que
la nationalité est issue d'un accord de volontés entre l'État et l'individu. Par
conséquent, il engendre des obligations réciproques entre les deux parties. L'État
est tenu d'accorder à ses nationaux la protection de ses lois et de ses magistrats
ainsi que la protection sur la scène internationale, à travers la protection diplomatique. Ce devoir de protection de l'État s'étend sur son territoire ainsi que sur
territoire étranger. L'État a pour devoir de garantir le respect des droits civils et
politiques de ses nationaux. En échange de cette protection, le national a le devoir
de participer à l'expression de la volonté nationale, ainsi que de respecter les lois
de l'État dans toutes ses actions. L'État peut le contraindre à participer aux
charges publiques ainsi qu'à la défense nationale si nécessaire. Il s'agit donc d'un
véritable contrat mais de nature particulière en ce sens qu'il n'emprunte à la théorie des contrats et obligations telle que le droit la formule « ni ses éléments, ni ses
règles, ni ses voies d'exécution »63.
De plus, ce contrat particulier permet de justifier la différence entre les droits
des étrangers et les droits des nationaux. En effet, si les nationaux ont sur un
même territoire des droits et devoirs plus étendus et plus impérieux que ceux que
supportent les étrangers dans leur rapport avec la société locale, c'est parce
viennent s'ajouter aux devoirs « naturels » de la vie en société des droits et devoirs
issus du contrat librement consenti et donc indérogeable.
60. La théorie de la nationalité-contrat est aujourd'hui présentée comme
quasiment abandonnée. En effet, le contrat suppose un concours de volontés. Or,
en matière de nationalité, on ne saurait considérer qu'il existe un tel concours.
L'exemple le plus commun est celui de la nationalité d'origine : le national n'a
alors en rien consenti à acquérir la nationalité de l'État qui l'a vu naître. Il n'a
acquis la nationalité que par un acte unilatéral de l'État : la loi. La doctrine
« contractualiste » en la matière a résolu ce problème de la nationalité d'origine
par l'utilisation de la fiction du consentement présumé, mais cette solution ne
saurait être pleinement recevable tant il est vrai que la fiction du consentement
présumé sert le plus souvent à dissimuler un consentement en réalité absent64.
En réalité, la volonté individuelle n'a qu'une place infime en matière de nationalité et ce en raison du caractère très politique de la matière. L'État a le monopole du choix des critères de définition de ses nationaux. Il est la seule entité à
décider qui est national et qui ne l'est pas, c'est pourquoi on ne saurait concevoir
que l'individu participe activement, par sa volonté propre, à l'acquisition finale de
62. a. weiss, op. cit. p. 9.
63. a. weiss, op. cit. p. 67.
64. j. maury, Nationalité (Théorie générale et droit français), Recueil Sirey, 1931, n° 30 : « les
consentements présumés ne sont le plus souvent que des fictions destinées à cacher l'absence de
consentement réel ».

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