Bibliothèque de droit public - Tome 300 - Nationaux et étrangers en droit public français - 90

NATIONAUX ET ÉTRANGERS EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

durable et donc vecteur d'une plus grande insertion dans l'espace social, entraînant
un changement d'orientation des politiques relatives à l'entrée et au séjour des
étrangers en france et donc le passage d'une politique d'insertion à une exigence
d'intégration présentée comme objectif de l'action publique. Ainsi, le regroupement familial est perçu à la fois comme un objectif des politiques publiques et
comme un facteur d'intégration.
Le changement de terme renvoie donc à une modification de la figure de
l'étranger et des préoccupations liées à sa présence en france. L'étranger de « l'insertion » étant principalement le travailleur immigré, son appréhension se limite,
en réalité, à la prise en compte d'un acteur économique parfois socialement défavorisé et auquel il faut donc assurer des conditions de vie décentes. En revanche,
parce qu'il choisit de s'installer durablement sur le territoire, avec sa famille,
l'étranger de « l'intégration » se présente davantage comme un individu situé et
un acteur de la vie commune, qui se présente au sein de la communauté sociale
avec ses habitudes familiales, son mode de vie et sa propre conception du rapport
à l'autre. Si le terme d'insertion renvoyait davantage à des questions d'ordre économique et social, l'intégration va supposer également une dimension d'adaptation culturelle qui jusqu'alors était peu présente dans le discours politique. Il est
ainsi affirmé que « l'intégration des immigrés passe par cinq questions essentielles » et notamment « l'insertion sociale et culturelle »75. Il n'est plus uniquement question d'assurer des conditions de vie matériellement décentes pour les
travailleurs immigrés et leur famille, mais également d'entamer un processus
« d'adaptation à notre société de l'étranger qui a l'intention d'y vivre »76. Il s'agit
donc désormais de prendre en compte davantage « les problèmes suscités par les
immigrés et non plus rencontrés par les immigrés »77.
Du fait de la prise de conscience de l'installation durable des populations
immigrées sur le territoire, le statut de l'étranger est donc désormais appréhendé
davantage sous l'angle de la conciliation entre sa présence et la conservation de
l'unité sociale et culturelle sur laquelle repose la conception de la communauté
sociale et politique. Cette transformation dans les termes fait de l'intégration un
processus dans lequel l'immigré est face à une société considérée comme un tout
homogène à laquelle il va devoir s'intégrer.
Si l'intégration est alors présentée comme une nécessité, c'est avant tout pour
engager des politiques publiques visant à la promouvoir. Mais peu à peu, l'exigence d'intégration va passer d'un objectif de l'action publique à une injonction
faite à l'étranger et dépendant davantage de sa volonté que de l'action objective
des autorités étatiques.
B. D'UN OBJECTIf DE L'ACTION PUBLIQUE
À UNE INJONCTION fAITE À L'ÉTRANGER
116. Dans les premiers débats parlementaires relatifs à l'insertion puis à
l'intégration, l'État est un acteur clé du processus visant à permettre à l'étranger
d'obtenir un statut stable au sein de la société d'accueil (1). Rompant en partie
75. Déclaration de Claude Evin, précitée.
76. Haut Conseil à l'intégration, L'intégration à la française, op. cit., p. 8.
77. c. barats, « L'intégration et le discours présidentiel sur l'immigration : inscription dans
l'espace national et consensus d'évitement », in Quaderni, n° 22, 1994, p. 110.

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