Systèmes - La conduite du changement climatique : entre contraintes et incitations - 1re - 13

Propos introductifs

Ledit courant de pensée, parfois qualifié de courant néolibéral,
puise son origine dans un congrès fondateur de 1938, le congrès
Walter Lippmann, qui vit des économistes, des philosophes, des
polytechniciens ou des juristes, tels que Friedrich Hayek, Wilhelm
Röpke ou Jacques Rueff11, réfléchir aux nouveaux fondements du
libéralisme, à l'heure où, à la suite de la crise de 1929 imputée au
libéralisme classique, l'Europe allait sombrer dans le chaos, prise en
étau entre États totalitaires de type stalinien et de type nationalsocialiste. Le courant néolibéral a, à cet égard, été pensé comme un
contre-feu aux idéologies ayant cours dans ces États totalitaires et
privilégiant la contrainte directe sur les sujets. La forme allemande du
néolibéralisme, l'« ordolibéralisme » a, en outre, été pour la première
fois, investie « d'une fonction constructive et programmatrice »12, et non
plus simplement critique, du fait de l'effondrement du nazisme à
l'issue de la seconde guerre mondiale. L'État « néolibéral » devait, ce
faisant, ne comprendre qu'un corpus de règles juridiques minimales,
en vue de limiter la contrainte étatique directe sur les individus.
Dès lors que le courant de pensée s'analysait en « une expression
savante de l'imaginaire marchand »13, la part belle fut faite à une
constitution à caractère économique, conférant un rôle central au
droit de la concurrence14, en sa qualité de corpus de règles
juridiques, garant des échanges libres, loyaux et pacifiés entre
acteurs économiques.
Mais le « paradoxe »15 inhérent à la pensée néolibérale que Michel
Foucault a pu mettre en lumière dans ses cours au Collège de France
dans le cadre de la chaire « Histoire des systèmes de pensée », réside
dans le fait que cette « forme de réflexion critique sur la pratique
gouvernementale »16, mue par l'idée qu'« on gouverne toujours trop »17,
n'est pas consubstantiellement liée à l'idée d'un individualisme
11. Pour une présentation du Congrès Walter Lippmann : FOUCAULT M., Naissance de la
biopolitique, Cours au Collège de France. 1978-1979, Gallimard/Seuil, coll. « Hautes
études », 2004, p. 138 et s.
12. SENNELART M., Michel Foucault : la critique de la Gesellschaftpolitik ordolibérale, in COMMUN P.,
« L'ordolibéralisme allemand, Aux sources de l'économie sociale de marché »,
CIRAC/CICC, 2003, p. 43.
13. OSSIPOW W., « Le néolibéralisme, expression savante de l'univers marchand », in BACOT P.,
JOURNES C. (dir.), Les nouvelles idéologies, Presses universitaires de Lyon, 1982, p. 13-30.
14. Différentes écoles se sont ensuite différenciées sur le contenu des règles composant le
droit de la concurrence (École de Chicago, École d'Harvard et école ordolibérale de
Fribourg...).
15. SENNELART M., Michel Foucault : la critique de la Gesellschaftpolitik ordolibérale, op. cit., p. 37.
16. FOUCAULT M., Dits et écrits, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences Humaines », 1994,
t. III, p. 822.
17. Ibid., p. 820.

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