Systèmes - La conduite du changement climatique : entre contraintes et incitations - 1re - 171

Propos conclusifs

Il semble donc nécessaire de promouvoir la circulation des
normes du droit international des droits de l'homme et de
l'environnement dans le droit économique. Des recommandations
dans ce sens ont été faites en préparation de la COP 21. Elles
proposent notamment un renforcement des clauses sociétales dans
les accords de l'OMC et un recentrage autour des États et des
intérêts qu'ils protègent, pour la défense des enjeux sociétaux et
environnementaux dans les procédures d'arbitrage d'investissement,
lesquels aboutissent souvent à la condamnation des États54.
Dans cet exercice, le concept d'internormativité pourrait alors
avoir une valeur méthodologique55. L'internormativité peut être
comprise de deux manières : soit comme le passage d'une norme
d'un ordre normatif à un autre, soit plus simplement comme
l'étude des interactions entretenues entre les différents ordres
normatifs. Appliquée au droit de l'environnement, elle permet d'en
illustrer l'interdisciplinarité et de penser le dialogue des disciplines.
On peut aussi se référer à la notion de coproduction qui s'illustre par
l'évolution conjointe de l'ordre scientifique et de l'ordre politique dans
le domaine environnemental56. Il s'agit par exemple de l'inclusion en
droit national (depuis la loi POPE de 2005) du concept de facteur 4,
c'est-à-dire la diminution de 75 % des GES, ou encore de l'objectif de
limitation de l'augmentation des températures à 2 degrés
aujourd'hui inclus au préambule de l'accord de Paris. Dans les deux
cas, des normes scientifiques ont acquis une valeur juridique. L'idée
est que l'internormativité peut être une méthode pour la résolution
des conflits interdisciplinaires, car elle impose la mise en place de
« règles du jeu » pour établir la participation et le dialogue entre les
différents acteurs. Elle permet aussi, en structurant les débats,
d'établir des critères (tels que par exemple la lisibilité, l'objectivité,
la capacité à défendre des prétentions, la vulnérabilité) qui seront
hiérarchisés pour la prise de décision.
Une autre manière de dépasser la fragmentation est la référence à
des valeurs communes supérieures et universelles. Une notion déjà
54. DELMAS-MARTY M., D'AMBROSIO L., DEVAUX C., MARTIN-CHENUT K., « Le dérèglement climatique :
un défi pour l'humanité _ 12 propositions juridiques pour la Conférence de Paris sur le
climat », oct. 2015, www.college-de-france.fr/media/etat-social-mondialisation-analysejuridique-solidarites/UPL6497917226074275574_cop21_francais_web.pdf.
55. POMADE A., « Penser l'interdisciplinarité par l'internormativité. Illustration en droit de
l'environnement », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, vol. 68, nº 1, 2012,
p. 85-106.
56. AYKUT S. C., DAHAN A., « Le régime climatique avant et après Copenhague : sciences,
politiques et l'objectif des deux degrés », Natures Sciences Sociétés, vol. 19, nº 2, 2011,
p. 144-157.

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