Systèmes - La conduite du changement climatique : entre contraintes et incitations - 1re - 38

La conduite du changement climatique

B. Un outillage protéiforme
Le droit de l'environnement est réputé d'une grande technicité, et
la présence de l'expert est généralement indispensable auprès du
juriste. « Droit d'ingénieurs »18, il est aussi critiqué en tant que « droit
gazeux »19, expression traduisant son manque d'effectivité tout
autant que sa formulation en deçà des formes contraignantes du
droit (déclarations, recommandations). Ces oscillations font du droit
de l'environnement un « édifice baroque »20 accumulant diverses
réglementations et empruntant à toutes les techniques du droit. En
effet, la discipline opère en grande partie par mimétisme, illustrant
les évolutions générales de l'ensemble du système juridique vers la
formulation de normes de moins en moins autoritaires, de plus en
plus négociées.
L'emprunt premier repose en grande partie sur l'utilisation de
régimes de police, procédé classique de droit administratif encadrant
les libertés par une réglementation spécifique (interdiction absolue,
simple déclaration, autorisation circonstanciée) et un contrôle de
l'autorité administrative, dans le but de sauvegarder l'ordre public.
L'exemple typique reste le régime des installations classées pour
l'environnement (ICPE) - héritier du décret impérial du 15 octobre
1810 sur les Manufactures et Ateliers qui répandent une odeur
insalubre et incommode - soumettant de nombreuses activités
polluantes à un régime plus ou moins contraignant, selon la
nomenclature établie : autorisation, enregistrement, déclaration21. La
diversité des approches déjà évoquée a progressivement mené à un
éparpillement des polices spéciales de l'environnement22, nécessitant
18. Expression répandue parmi la doctrine, par exemple UNTERMAIER J., « Nous n'avons pas
assez de droit ! Quelques remarques sur la complexité du droit en général et du droit de
l'environnement en particulier », in Les hommes et l'environnement, Mélanges en hommage
à Alexandre Kiss, Frison-Roche, 1998, p. 506 - PRIEUR M., « Le droit français de
l'environnement au xxe siècle », in Mouvement du droit public, Mélanges en l'honneur de
Frank Moderne, Dalloz, 2004, p. 382.
19. Selon l'expression du Conseil d'État, v. De la sécurité juridique, La Documentation
française, 1991, nº 43. V. déjà en 1980 cette expression sous la plume de UNTERMAIER J.,
« Le droit de l'environnement, réflexions pour un premier bilan », Année de
l'environnement, PUF, 1980, vol. 1, p. 97, note 352.
20. Ibid., p. 15.
21. À titre d'exemple, les installations de stockage géologique de CO2 (rubrique 2970 de la
nomenclature) ou les éoliennes (« installation terrestre de production d'électricité à
partir de l'énergie mécanique du vent et regroupant un ou plusieurs aérogénérateurs »,
rubrique 2980) sont soumises au régime des ICPE, principalement au régime
d'autorisation.
22. En 2005 sont dénombrées « 24 polices [...] appliquées par plus d'une cinquantaine d'agents
habilités », telle la police des ICPE précitée, la police des déchets, la police de l'eau, de
l'air ou des parcs nationaux, la police du bruit, la police de la chasse, etc., v. Renforcement

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