Systèmes - La conduite du changement climatique : entre contraintes et incitations - 1re - 79

Les responsabilités juridiques face au préjudice du changement climatique

administratif réglementaire. Dans ce cas, c'est sur le fondement
cette fois de la responsabilité du fait des lois, inspirée des mêmes
principes, que l'indemnisation pourra être prononcée, tout en étant,
par les conditions jurisprudentielles en la matière, beaucoup plus
hypothétique. Si jusqu'au célèbre arrêt La Fleurette27, l'État en
qualité de législateur était irresponsable, cette responsabilité du
fait de ses activités pourtant légales et d'intérêt général est
aujourd'hui admise. Précisément, les réglementations ou activités
de protection de la nature que l'État mène depuis l'émergence des
volontés internationales et nationales de protection de la nature à
la suite des grandes conférences, sont susceptibles de causer des
préjudices à autrui. Le fondement de la responsabilité sans faute
de l'administration du fait de ses activités légales pourrait
potentiellement trouver là un grand secteur potentiel d'application.
En pratique, sauf à concevoir une loi prévoyant explicitement
l'application de la jurisprudence La Fleurette, l'hypothèse de
l'indemnisation du fait des lois reste théorique et la satisfaction des
conditions à l'indemnisation reste difficile à établir. Ainsi, en matière
de servitudes d'urbanisme, le Conseil d'État a estimé que le
législateur a entendu faire supporter par le propriétaire concerné
l'intégralité du préjudice résultant de l'inconstructibilité de son
terrain nu due aux risques naturels le menaçant, sauf dans le cas
où ce propriétaire supporterait une charge spéciale et exorbitante
hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi28. Mais
la responsabilité du fait des lois n'est pas si théorique que cela
puisque le Conseil d'État l'admet parfois, à la faveur de
phénomènes de société, comme la prise en compte de la défense
de l'environnement. Ainsi, dans une jurisprudence récente29, la loi
de protection de la nature, intégrée au Code de l'environnement,
27. CE Ass., 14 janv. 1938, SA des produits laitiers La Fleurette : RDP 38. 87, concl. ROUJOU, note JÈZE.
28. CE Sect., 29 déc. 2004, Société d'aménagement des coteaux de Saint Blaine, nº 257804. Les
mêmes règles président en matière de responsabilité du fait des traités (CE Ass., 30 mars
1966, Compagnie générale Radioélectrique, nº 50515 - CE, 29 déc. 2004, Almayrac,
nº 262190).
29. CE, 1er févr. 2012, M. Bizouerne et autres : AJDA 2012.1075, note BELRHALI-BERNARD. Mais cet
arrêt illustre aussi les limites de la responsabilité sans faute : dans une certaine logique,
la cour administrative d'appel avait admis la fixation forfaitaire à 100 000 euros du
préjudice par rapport d'expertise, et dans une pratique classique de « jugement de
Salomon », avait estimé 50 % de faute exonératoire de la victime, sans doute à raison du
défaut de mesures de protection contre les cormorans installés par les exploitants. Cela
conduisait la cour à retenir un préjudice de 50 000 euros. Le Conseil d'État ne l'entendit
pas ainsi et rappela, outre le caractère spécial (qui n'était pas si évident en l'espèce,
toutes les expositions piscicoles étant dans ce cas de figure) et anormal, du préjudice
exigé, que la méthode de calcul du préjudice indemnisable ne pouvait que concerner la
partie du dommage dépassant l'aléa inhérent à la nature de l'activité concernée.

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