Contextes - La Grande Guerre et son droit - 10

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LA GrANDe Guerre et SoN DroIt

novembre 2014), les colloques organisés à l'université de Bourgogne en
novembre 2015 (colloque CreDeSPo- CrJ : « La Grande Guerre et
le droit public ») et au Conseil d'État en novembre 2015 (« Le Conseil
d'État et la Grande Guerre »)4 ainsi que le onzième numéro de la revue
électronique Clio@themis (Des juristes face à la guerre : point de vue
franco-allemand), l'objet du colloque que le Centre lyonnais d'histoire
du droit et de la pensée politique a accueilli à Lyon au printemps 2016 et
qui se caractérise tant par sa dimension internationale que par sa volonté
de descendre l'analyse jusqu'aux règles de droit saisies dans leur fonctionnement concret. Ne seront donc pas évoqués ici, par exemple, les aspects
de droit international humanitaire, dont l'objet est de limiter l'usage de la
violence - en soulignant notamment la distinction des civils et des combattants -, le droit des conflits armés, c'est-à-dire, plus généralement, le jus
belli. Dit autrement, il ne s'agissait pas de se livrer à une analyse du droit
de la guerre à travers l'exemple de ce premier conflit mondial, mais plutôt
de se placer à l'intérieur des systèmes juridiques des pays belligérants
pour évaluer les conséquences - sous la forme notamment de réactionsadaptations ponctuelles ou d'évolutions-modifications pérennes - qu'il
a pu produire sur eux, en faisant le pari que le droit commun - par opposition à ce droit spécial que serait le jus belli -, par exemple le droit civil,
conservait, malgré les événements, son empire. Ce pari, qui pourrait prima
facie paraître sans grand risque, prendrait cependant, dit-on parfois, l'exact
contre-pied du point de vue qu'avait pourtant défendu, en son temps, un
juriste : « silent enim leges inter arma », arguait ainsi Cicéron en prenant
la défense de Milon5 contre Pompée et les partisans de Clodius. Faut-il
comprendre que le droit quitte la scène, qu'il cède la place ? Mais à qui
ou à quoi ? À la violence pure, incontrôlée ? Sans doute pas, car en réalité
Cicéron en appelle ici à la loi naturelle (« non scripta, sed nata lex ; quam
non didiciumus, accepimus, legimus, vera ex natura ipsa arripuimus ») selon
laquelle tous les moyens sont honnêtes lorsqu'il s'agit de son propre salut
(« omnis honesta ratio esset expediendae salutis »), justifiant donc les agissements de Milon par le recours à une forme de légitime défense : en cas
de péril grave, avéré, injuste, nul n'est contraint d'attendre l'assistance des
lois (positives). Le silence des lois n'est donc que temporaire, et au mieux
ne s'impose-t-il qu'aux lois positives, aux procédures ordinaires. La loi
naturelle, elle, veille toujours ; elle est toujours prête à offrir son secours,
quitte à, ensuite, apprécier le comportement de chacun lors d'un examen
judiciaire, car seul un juge pourra reconnaître - ou non - le caractère légitime des moyens adoptés. Bref, à travers la figure de la loi naturelle ou celle
4. Il faut également mentionner le cycle de conférences « Magistrats et avocats pendant
la Grande Guerre » organisé par la Cour de cassation.
5. Pro Milone, 4.10 et 11.
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