Contextes - La Grande Guerre et son droit - 134

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À LA JoNCtIoN DeS DroItS PrIVÉ et PuBLIC

commission désignée par le ministre du Commerce et formée d'au moins
un industriel, un négociant et un membre d'une Chambre de commerce,
fixe l'indemnité. C'est à la suite de la proposition faite par ces commissions
que l'habitant peut, ou non, faire part de son refus.
Comme évoqué précédemment, la question de la détermination de la
valeur de l'indemnité a été l'objet de nombreuses études. À la suite de ces
travaux souvent alambiqués, la Cour de cassation a fini par trancher en
optant pour une valeur « réelle ». outre l'intérêt économique d'une telle
décision, on observe que la Cour de cassation a tranché définitivement
la question de la nature des réquisitions, refusant d'en faire un rapport
contractuel, car évinçant la théorie de la valeur commerciale, et rejetant
aussi la thèse de la « réquisition/expropriation » en négligeant les valeurs
de remplacement (ou de remploi) et les valeurs moyennes, souvent utilisées
en cas d'expropriation95. Dans son arrêt du 6 mars 1917, elle s'est ainsi
exprimée :
« La valeur des choses réquisitionnées, d'une part, doit être appréciée
à la date de la réquisition, et, d'autre part, l'indemnité corrélative doit être
calculée en tenant compte uniquement de la perte que la dépossession de
la chose impose au prestataire, et abstraction faite du gain qu'aurait pu lui
procurer la hausse des prix, faussés, soit par la spéculation ou l'accaparement, soit par toutes les autres circonstances imputables à l'état de guerre, et
notamment par l'exercice même du droit de réquisition. [...] en assimilant
ainsi, au point de vue du prix à payer, l'État à un acheteur ordinaire, et en
faisant du prix courant non un simple élément d'évaluation, mais la base
exclusive et nécessaire de l'indemnité, les juges ont faussement appliqué, et
par suite violé l'article 2 de la loi du 3 juillet 1877 ».

La Cour suprême suit ainsi la théorie de Larnaude, déjà soutenue par
plusieurs juridictions96. elle refuse de s'appuyer sur la valeur « commerciale », calculée en fonction des mercuriales97, car l'État ne saurait être un
acheteur quelconque en proie à la loi du marché. C'est aussi ce que soutenait
95. Les expropriations pour cause d'utilité publique donnent droit, en effet, à des indemnités représentant toute perte constituant une de leurs conséquences directes, et non des
indemnités limitées à la seule valeur du bien.
96. trib. de paix de Montfort, 23 janvier 1915, trib. civ. de toulouse, 30 mars 1915, trib.
civ. de rennes, 26 avril 1915 ; CA toulouse, 30 juin 1915, trib. civ. du Mans, 16 juillet 1915,
etc., D., 1916, II, p. 6 et s., trib du Havre, 24 novembre 1916. À la suite de cette décision du
6 mars 1917, la Cour de cassation sera suivie par la majorité des juridictions locales. Voir,
notamment, trib. Havre, 18 mai 1917, trib. Nantes, 7 juillet 1917, S., 1917, II, p. 65-71.
97. Contra trib. civ. de Bar-sur-Aube, 21 janvier 1916, D., 1916, II, p. 146-147, décision
dans laquelle le tribunal se sert des prix fixés par les mercuriales pour établir l'indemnité à verser au demandeur. Dans le même sens, H. Berthélemy, Note sous CA rennes,
6 juillet 1915, D., 1916, II, p. 137-141 : « C'est au jour de la réquisition qu'il faut apprécier
la valeur de la chose, son prix de revient, son prix courant commercial. [...] Le prix courant,
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