Contextes - La Grande Guerre et son droit - 257

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que les membres du Parlement peuvent circuler à titre privé dans la zone
des armées en se soumettant aux règles imposées à tous les citoyens. Par
contre, il ne peut y avoir aux armées un contrôle parlementaire, car dans la
pratique ce contrôle risquerait d'atteindre gravement la discipline morale
de l'armée, la confiance dans le commandement, dont dépendent la victoire
et le salut de la France »43. La toute-puissance militaire dans la zone des
armées devient ainsi un intérêt de défense nationale, auquel nul ne peut
faire obstacle. en outre, les visites des commissions de contrôle ne s'avèrent
possibles que sur autorisation du Haut-Commandement, chargé de délivrer
les laissez-passer pour la zone avant. La bataille de Verdun, ainsi qu'un
discours d'Abel Ferry devant la Chambre des députés, alarment quelque
peu sur les conséquences de l'imprévoyance, et le 29 juin 1916, les députés
adoptent l'ordre du jour suivant : la Chambre, « tout en s'abstenant strictement d'intervenir dans la conception, la direction et l'exécution des
opérations militaires, entend veiller à ce que [...] la préparation des moyens
offensifs et défensifs, industriels et militaires soit poursuivie avec un soin,
une activité, une prévoyance correspondant à l'héroïsme des armées de
la république [...]. elle décide d'instituer et d'organiser une délégation
directe qui exercera avec le concours du gouvernement le contrôle effectif
et sur place de tous les services ayant la mission de pourvoir aux besoins de
l'armée »44. Le texte adopté reste mesuré, et ne permet pas aux parlementaires de s'immiscer dans la stratégie choisie par le Grand Quartier Général,
mais marque une volonté ferme de surveiller le travail de l'autorité militaire.
Il tend à faire supporter à l'autorité militaire une obligation de moyens, et
non de résultat. Mais les « commissaires aux armées », membres des délégations parlementaires, prennent bien vite conscience que les visites sont
« truquées ». en réalité, comme le démontre Abel Ferry le 17 août 1916,
« il n'y a pas eu de changement [...]. Les moyens d'investigation ne sont
ni permanents, ni généraux », et chaque fois que les membres des commissions de contrôle souhaitent se rendre dans la zone des armées, « il faut en
demander la permission à ceux-là même que l'on doit contrôler ».
L'expérience vécue par Abel Ferry, lorsqu'il demande à visiter la région
de la 7e armée, en août 1916, est particulièrement flagrante. Se trouvant
déjà à Saint-Dié-des-Vosges, Abel Ferry n'a nul besoin de solliciter un
véhicule mis à disposition par l'armée, et dispose de nombreuses facilités
de déplacement ; il connaît en outre parfaitement la région, et peut aisément se passer de l'accompagnement d'un officier d'état-major. Le député
pensait alors échapper à la surveillance militaire et mener son contrôle
43. M. Baumont, « Abel Ferry et les étapes du contrôle aux armées, 1914-1918 », Revue
d'Histoire Moderne et Contemporaine, op. cit., p. 179.
44. M. Baumont, « Abel Ferry et les étapes du contrôle aux armées, 1914-1918 », Revue
d'Histoire Moderne et Contemporaine, op. cit., p. 187.

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