Manuels - Droit des obligations - 8è - 265

DROIT DES OBLIGATIONS

De ce fait, s'ouvre un débat judiciaire qui redonne au juge, non seulement
un plein pouvoir d'appréciation, mais aussi une large palette de réponses : ce
sont celles de l'article 1228 (v. infra, nº 313) - ce texte étant applicable chaque
fois que le juge est saisi, y compris quand c'est pour contrôler a posteriori la
pertinence d'une résolution unilatérale par notification88.
Partant de là trois hypothèses sont envisageables.
1) Si le créancier parvient à établir une inexécution d'une gravité suffisante, le juge constatera la résolution du contrat. Et ceci à la date de réception
par le débiteur de la notification du créancier (art. 1229, al. 2, C. civ.). Le juge
pourra également condamner le débiteur à des dommages-intérêts si ceux-ci
ont été demandés par le créancier au cours du procès (art. 1217 in fine C. civ.).
2) Si le créancier démontre une inexécution, mais que celle-ci ne présente
pas le degré de gravité requis par la loi, le juge pourra « ordonner l'exécution
du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur » (art. 1228
C. civ.). Ce qui est visé par cette formule est la condamnation du débiteur
défaillant à exécuter le contrat. Mais il en découle nécessairement que le
juge peut faire le choix d'un maintien du contrat et l'imposer au créancier
en dépit de la résolution que celui-ci a unilatéralement notifiée.
3) À plus forte raison, ce maintien du contrat peut être imposé au créancier lorsque celui-ci se trouve dans l'incapacité de prouver la moindre défaillance de son débiteur. Dans ce cas, les rôles s'inversent : c'est le débiteur
auquel rien ne peut être reproché qui est fondé à solliciter la condamnation
du créancier au maintien forcé du contrat jusqu'à son terme. Mais il faut bien
sûr que ce maintien soit souhaité par le débiteur et surtout concrètement possible. Or il arrive fréquemment que la rupture soit définitivement consommée au moment où le juge statue au fond : il n'est alors plus envisageable
de rétablir le contrat et la sanction ne peut passer que par des dommagesintérêts. Leur montant doit alors correspondre au préjudice subi par le cocontractant (en général sa perte de marge brute) et non pas forcément à l'intégralité des sommes que celui-ci aurait été en droit de percevoir s'il avait continué à fournir sa prestation jusqu'au terme du contrat (ce qui par définition
n'est pas le cas) (v. infra, nº 357).
Afin de conjurer ce risque de consolidation d'une résolution injustement
notifiée, le débiteur peut prendre les devants en demandant au juge des référés d'ordonner le maintien du contrat dans l'attente du jugement au fond89.

88. V. en ce sens le rapport au président de la République relatif à l'ordonnance nº 2016-138, 10 février
2016, selon lequel : « En cas de saisine du juge, l'article 1228 vient préciser l'objet de son office. En effet, le juge
pourra selon les circonstances, soit constater la résolution du contrat s'il intervient a posteriori pour contrôler la
mise en œuvre d'une clause résolutoire ou d'une résolution unilatérale par notification, soit la prononcer, s'il est
saisi en ce sens, en cas d'inexécution suffisamment grave. Il pourra également, s'il ne prononce pas la résolution,
ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai de grâce au débiteur ».
89. V. admettant implicitement cette possibilité Cass. 1re civ., 29 mai 2001, nº 99-12478, RTD civ. 2001.590,
obs. J. MESTRE et B. FAGES.

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