Hors collection - La Constitution de la Ve République - 380

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LES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES

voir un texte franchir, en commission comme en séance, le cap de 2000 amendements. Donc, le travail est toujours « double ». Pourquoi ?
Constatons d'abord que le processus d'instruction préalable est devenu plus
dense24 : les études d'impact ouvrent un champ nouveau au débat. Mais l'essentiel n'est pas là : il ne faut pas ignorer la recherche politique d'un « effet d'audience » : le parlementaire qui dépose un amendement adopté en commission
n'en apparaît plus comme l'auteur en séance et ne dispose plus d'un temps de
parole spécifique dans l'hémicycle. L'adoption d'un amendement en commission
rend moins visible sa « paternité », même si les travaux des commissions sont
largement diffusés. Le débat en commission est toujours conçu par ses acteurs
comme préparatoire, la séance comme décisionnelle.
Comment les choses pourraient-elles changer ? Il est probable qu'il faille aller au
bout de la logique de la révision de 2008, notamment pour revenir sur la décision,
déjà citée25, de 1990, qui a fait obstacle à l'élimination définitive d'amendements en
commission. Le Conseil constitutionnel lui-même a ouvert la voie en ce sens dans
une décision du 16 janvier 201826. Pour la première fois le droit d'amendement
s'exercera, dans le cadre d'une procédure exceptionnelle, en commission ou en
séance, « ou » étant pris dans son sens exclusif. C'est sans doute dans cette direction
qu'il faut désormais tenter d'aller, par exemple en séparant au sein du même texte
ce qui peut faire l'objet d'un double examen et ce qui est réservé exclusivement au
travail en commission. Naturellement, une telle réforme ne peut se faire que si
l'opposition, ou aujourd'hui les oppositions, sont à même de contrôler le processus.
Toutes les possibilités de rappel en séance doivent être ménagées au profit de l'opposition : le droit parlementaire est destiné à garantir le débat, c'est-à-dire la confrontation d'idées et de constructions juridiques. C'est son essence même27. Mais, sous
cette condition, seule une meilleure répartition des tâches est de nature à assurer, sur
ce point, le succès de la réforme de 2008, ce qui n'est pas actuellement le cas : le
24. V. Bergougnous, « Les commissions parlementaires et le processus d'élaboration de
la loi en France », in Les commissions parlementaires dans l'espace francophone, colloque,
Montchrestien, 2010, p. 167.
25. V. note 14.
26. La décision reconnaît la conformité du dispositif suivant : « l'alinéa 1 du nouvel
article 47 ter prévoit que, à la demande du président du Sénat, du président de la commission
saisie au fond, du président d'un groupe ou du gouvernement, la Conférence des présidents
peut décider que le droit d'amendement des sénateurs et du gouvernement sur un projet de loi
ou sur une proposition de loi ou de résolution s'exerce uniquement en commission, dans les
conditions mentionnées aux alinéas 1 et 2 de l'article 28 ter du règlement du Sénat. L'alinéa 2
exclut de cette procédure de législation en commission les projets de révision constitutionnelle,
les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il résulte
du renvoi aux dispositions de l'article 28 ter que les amendements déposés en commission font
l'objet d'un examen systématique de leur recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution.
Conformément à la réserve énoncée au considérant 14 de la décision du Conseil constitutionnel
du 11 juin 2015 mentionnée ci-dessus, cet examen ne fait pas obstacle à ce que l'irrecevabilité
financière des amendements et des propositions de loi puisse être soulevée à tout moment lors
de leur examen en commission ».
27. V. notre contribution : « Le droit parlementaire, droit de l'opposition », Mélanges
Pierre Avril, LGDJ, 2001.

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