Grands colloques - Le droit à l'épreuve des drones militaires - 179

DAVID CuMIN

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le budget militaire, qui a la compétence d'organiser dans ses grandes lignes
la défense nationale et qui l'évalue en tant que politique publique.
La très relative ambiguïté de la Constitution avait été levée par l'ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. Cette
ordonnance faisait du Premier ministre, non du président de la république,
le pivot de la défense, sans lui interdire de déléguer ses pouvoirs aux
ministres et en laissant au gouvernement la liberté de remanier l'organisation de la défense. Ce sont les décrets du 18 juillet 1962 et, surtout, celui
du 14 janvier 196421, puis la pratique politique fondée sur l'interprétation
« extensive » des articles 5, 6, 9, 15 ou 16 de la Constitution, qui ont renversé
les choses en faveur du chef de l'État, au point que de nombreux auteurs
parlent d'une « coutume », fondée sur la « nécessité »22, qui prévaudrait sur
21. Les décrets du 18 juillet 1962 : n° 62-808 relatif à l'organisation de la défense nationale,
n° 62-809 fixant les attributions du secrétariat général de la défense nationale, n° 62-811
fixant les attributions du ministre des Armées, n° 62-812 fixant les attributions du chef
d'état-major des armées, puis le décret présidentiel n° 64-46 du 14 janvier 1964 relatif aux
forces aériennes stratégiques (FAS).
22. La notion de « coutume » a-t-elle sa place dans un droit constitutionnel écrit et
rigide ? La doctrine qui admet l'existence d'une « coutume constitutionnelle » reprend les
deux éléments de définition que sont l'usage répété, durable et constant, et la conviction
que cet usage répété, durable et constant correspond à une obligation juridique. D'après
elle, la validation de la pratique peut s'opérer par l'habilitation implicite des autorités
à créer, en l'absence de contrôle juridictionnel, des règles « coutumières » au moyen de
leur interprétation, le droit étant la traduction de la latitude politique des acteurs. Les
normes constitutionnelles étant par nature indéterminées et leur concrétisation ne pouvant
se déduire intégralement du contenu d'autres normes, elles sont le produit ou la signification de décisions - de choix interprétatifs - pris par les autorités en fonction de leurs
relations mutuelles. La pratique présidentielle en matière militaire présente tous les traits
d'une coutume : on ne peut que tirer cette conclusion de la constance, de la durée et de la
reconnaissance générale de cette pratique. Malgré son illégalité quant à sa forme et à son
contenu, le décret de 1964-1996 n'a jamais été mis en cause, y compris par les gouvernements
ou majorités parlementaires de cohabitation, qui auraient pu modifier le texte sans que le
président de la république minoritaire pût s'y opposer. Au contraire, tous les Premiers
ministres et tous les ministres ont veillé, dans les débats parlementaires ou judiciaires, à ce
que la prépondérance présidentielle ne soit pas affectée... au profit du gouvernement !
Pourquoi ce maintien, y compris en période de cohabitation, de la pratique présidentialiste
en matière nucléaire militaire ? Parce que seul le chef de l'État, pas le chef du gouvernement, demeure investi de la crédibilité nécessaire à la dissuasion, l'opinion et l'ensemble
des responsables politiques et militaires en sont persuadés. Selon l'article 5 paragraphe 2,
le président de la république a l'obligation d'assurer à la France son indépendance et
son intégrité, ainsi que les moyens nécessaires à cette indépendance et cette intégrité. or,
seule l'institution d'une procédure unilatérale de décision, supprimant pouvoirs partagés,
contreseing ministériel et autorisation parlementaire (constitutionnellement prévus), offre
les conditions de la garantie matérielle de l'indépendance et de l'intégrité dans le contexte
du nucléaire. Le pouvoir présidentiel n'est donc pas arbitraire. Pas parce qu'il aurait pour
base de validité les articles 5, 6, 9, 15 ou 16 de la Constitution, mais parce que sa validité
relève d'une idée de droit : l'indépendance nationale, finalité suprême que le chef de l'État,
avec les autres autorités, a le devoir d'actualiser. Cette finalité offre un fondement de validité
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