Grands colloques - Le droit à l'épreuve des drones militaires - 85

JEAN-CHrIStoPHE VIDELIN

formation et l'entraînement, ainsi que le système de soutien. Sagem assurera
la maintenance de l'ensemble pendant une durée de 12 ans. La livraison
doit intervenir à partir de 2018 et s'achever l'année suivante.
De manière générale, l'intérêt de la mise en concurrence pour l'État est
de façonner une industrie nationale car il va sélectionner, de manière objective, le meilleur et écarter les entreprises les plus faibles. Ces dernières vont
donc abandonner ce secteur d'activités. En revanche, l'État s'assure, comme
il le fit à propos des satellites militaires ou des missiles, de ne pas créer de
monopole, ce qui serait contraire à ses intérêts. En l'espèce, l'État a considéré, sous la pression de SAGEM, que le choix d'un contrat de gré à gré
avec thales, qui était favori dans un contexte de coopération franco-britannique, mettait fin à tout projet de filière d'excellence et créerait certainement
un monopole. La mise en concurrence permettait, au contraire, de créer
une filière industrielle d'excellence en récompensant le meilleur28, tout en
sachant que thales continue de développer un modèle de drone dans son
site britannique. L'intérêt d'une mise en concurrence européenne répond,
outre l'interdiction juridique à restreindre le marché à des candidats français, au double intérêt d'accroître la concurrence sur les candidats français
et prendre en compte la réalité des alliances entre les industriels français et
européens de l'armement, notamment en matière de drones.
En d'autres termes, la filière d'excellence ne peut être exclusivement
française. En revanche, le candidat sélectionné devait avoir au moins pour
porteur de projet et site de production une entreprise française. Ainsi, la
candidature Latécoère, construit sur la base du Heron de Israël Aerospace
Industries n'avait aucune chance d'aboutir tout comme celle d'Airbus avec
une entreprise américaine. De même, thales qui était favori initialement
était affaibli car il proposait le Watchkeeper, fabriqué au Pays de Galles et
qui n'aurait contenu, au mieux, que 30 % de composants français.
A contrario, Sagem s'appuiera sur le Cluster Patroller, un groupement
de quelque 25 PME de hautes technologies françaises, notamment pour la
performance de la cellule et de la chaîne de mission. Pour le drone même,
Sagem bénéficie d'un partenariat avec une société allemande. Au final,
90 % du système Patroller sera fabriqué sur 4 sites répartis en France, ce
qui créerait 300 emplois.
Le système Patroller pourra être vendu à l'exportation, comme ce fut le
cas pour le Sperwer, vendu dans cinq pays à environ 130 exemplaires. En
matière de drones stratégiques, le contexte industriel est différent.

28. D. Gallois, « En choisissant les Patroller pour l'armée, l'État conforte la filière des
drones tactiques », Le Monde économie, 5 avr. 2016.

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