Bibliothèque de droit public - Tome 302 - Les interventions des tiers porteurs d'intérêts collectifs dans les contentieux constitutionnels incidents français et italien - 174

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LES INTERVENTIONS DES TIERS PORTEURS D'INTÉRÊTS COLLECTIFS
DANS LES CONTENTIEUX CONSTITUTIONNELS INCIDENTS FRANÇAIS ET ITALIEN

de la loi en commission, mais cette option ne fut pas retenue malgré le soutien
d'une partie de la doctrine et des politiques80.
483. À côté de cet échange en contradictoire entre les autorités publiques
requérantes et défenderesses, une autre voie de présentation d'observations va se
mettre en place, ouvrant l'accès aux tiers de la société civile intéressés par la procédure de contrôle de constitutionnalité. Cette pratique, qui restera longtemps cachée
et ne sera jamais institutionnalisée malgré les critiques qui s'élèvent encore plus
fortement aujourd'hui81, émerge face à l'importance et à la publicité que le contrôle
des lois commence à assumer à partir des années 1990. En effet, la multiplication
des lois déférées suite à l'élargissement de la saisine en 1974, ainsi que la publication
au JO de la saisine et des observations en défense du gouvernement, ont vivement
accru l'attention de l'opinion publique vis-à-vis du contrôle de constitutionnalité,
qui a cessé d'être perçu comme un passage dans une troisième chambre législative82.
À partir de ce moment, d'autres sujets que les autorités publiques habilitées à saisir
le Conseil constitutionnel ont réalisé qu'ils avaient leur mot à dire sur la constitutionnalité d'une loi. Ils ont alors trouvé la voie pour faire parvenir leurs observations au prétoire constitutionnel à travers les « portes étroites ».
B. LES PORTES ÉTROITES : UN ÉLARGISSEMENT DU DÉBAT
CONTRADICTOIRE AUX AMICI CURIAE ?
484. (Une pratique née vers la fin des années 1970). C'est au lendemain de
l'introduction de la saisine parlementaire et de la mise en place progressive d'un
débat contradictoire écrit, faisant l'objet de publicité au-delà des frontières des
édifices institutionnels, que les portes étroites commencent à faire leur apparition
dans la procédure de contrôle des lois a priori83. Si les observations informelles
envoyées par des tiers ne seront pas qualifiées de portes étroites jusqu'à 1991, c'est
à partir de la fin des années 1970 qu'elles commencent à se multiplier, en conséquence de l'augmentation de l'activité du Conseil constitutionnel. C'est d'ailleurs
dans ces mêmes années qu'émergent, au sein du Conseil, toutes les questions relatives à l'ouverture du prétoire constitutionnel et à ses relations avec la société :
« Nécessité ou non d'accueillir, de viser et d'utiliser les documents émanant
d'autres personnes que celles habilitées à saisir le Conseil, opportunité ou non
d'auditionner des personnalités qualifiées ou intéressées par l'objet de la loi
déférée, pertinence ou non des relations avec la presse, toutes ces questions, qui
font encore débat aujourd'hui, prennent corps dans ces années-là »84.
80. C. Severino, « La regolamentazione dell'istruttoria davanti al Consiglio costituzionale francese », DPCE, 2000, 1360 sq.
81. Il faut noter que, si les portes étroites n'ont toujours pas été institutionnalisées, par un communiqué de presse du 23 février 2017, le Conseil constitutionnel s'est engagé à publier par la suite la
liste des « contributions exterieures » reçues. Voir infra par. 509.
82. D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 86-87.
83. Dans l'introduction au texte recueillant les délibérations du Conseil constitutionnel dans la
période 1958-1986, le professeur Bertrand Mathieu positionne à partir de 1975 la prolifération de
« "saisines'' officieuses, constituées par des interventions externes provenant d'intéressés, selon une
procédure que l'on appellera ultérieurement celle de la ''porte étroite'' » : B. Mathieu, « Introduction », in B. Mathieu, J.-P. Machelon, F. Mélin-Soucramien, D. Rousseau, X. Philippe, Les grandes
délibérations du Conseil constitutionnel, 1958-1986, Dalloz, IIe éd. 2014, p. 13. Cependant, c'est surtout à partir des années 1980 que la pratique assumera des proportions plus larges et sera empruntée
davantage par la société civile et non plus seulement par les parlementaires.
84. D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, « Présentation de la période 1974-1980 », ibidem, p. 236.

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