Systèmes - Le droit de la régulation des jeux d'argent - 1re - 69

Les modes de régulation des jeux d'argent et de hasard

premier rang desquels se trouvent donc ceux consacrés aux articles 49 et 56
du TFUE.
172. Là aussi, la démarche de la Cour pourrait conduire à s'interroger :
les jeux d'argent et de hasard sont-ils des services comme les autres justifiant que leur encadrement soit soumis au régime (les principes et leurs
dérogations) des articles 49 et 56 du TFUE ? À première vue, la réponse ne
va pas de soi. Certes, l'article L. 320-2 du Code de la sécurité intérieure,
dans sa nouvelle rédaction issue de l'ordonnance du 2 octobre 201944,
prend le soin de préciser que : « Les jeux d'argent et de hasard qui, à titre
dérogatoire, sont autorisés en application de l'article L. 320-6 ne sont ni un
commerce ordinaire, ni un service ordinaire (...) ». Mais il est constant qu'il
ne suffit pas d'affirmer un principe dans une réglementation nationale
pour que l'interprétation livrée par celle-ci soit conforme au droit de l'Union
européenne et à la jurisprudence de la CJUE. Les exemples où il existe une
divergence de fond entre ces deux niveaux juridiques sont nombreux.
173. Ainsi, en matière de jeux d'argent et de hasard, il doit être rappelé
que l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne en 2010 reposait sur l'invocation d'un argument mis en avant par le pouvoir réglementaire pour justifier le contenu de la loi du 12 mai 2010 : l'Union européenne, par l'intermédiaire de sa Cour, imposait cette réforme. Tel n'était pas le cas. Si les
requérants ayant saisi le Conseil constitutionnel se sont trompés de juridiction pour faire valoir cet argument45, il n'en demeure pas moins que celui-ci
était fondé. L'analyse de la jurisprudence de la Cour, au-delà du fait que
celle-ci n'a pas compétence pour imposer à un État membre une réforme
comme celle de 2010, montre que son seul souci n'est pas l'ouverture à la
concurrence ou non d'un secteur des jeux, mais la préservation des principes et libertés des Traités par les régimes créés par les États membres46.
La doctrine rappelait même à l'époque que « le droit de l'Union européenne
n'appelle aucune libéralisation des jeux de hasard et d'argent »47.
174. S'il fallait un élément supplémentaire attestant de ce problème
d'interprétation du droit de l'Union européenne par le droit national, il
conviendrait de se référer aux conclusions de l'avocat général Bot dans
une affaire de 2008 : « Le droit communautaire n'a pas pour objet de soumettre
les jeux de hasard et d'argent aux lois du marché. La construction d'un marché
aussi ouvert que possible a été voulue par les États membres comme le fondement de la CEE parce que la concurrence, lorsqu'elle est loyale, assure, en
général, le progrès technologique et améliore les qualités d'un service ou d'un
produit tout en garantissant une baisse des coûts. Elle profite donc aux
44. Op. cit.
45. Déc. nº 2010-605 DC du 12 mai 2010, cons. 9 à13, JO, 13 mai 2010, p. 8897.
46. V. aussi CJUE, 28 février 2018, Sporting Odds, C-3/17 ; CJCE, 6 novembre 2003, Gambelli et
a., C-243/01, point 72, AJDA 2004, p. 315.
47. ALLAND D., Droit de l'Union européenne et droit français des jeux d'argent et de hasard,
AJDA 2010, p. 1970.

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