Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re - 267

LES DROITS PROTÉGÉS
généralement sur l'objet contrefaisant la signature de
l'auteur de l'œuvre illicitement reproduite. Certes, le
procédé est souvent frauduleux, mais il permet d'indiquer
le nom de l'auteur, de sorte qu'il est difficile d'y
voir une atteinte au droit de paternité94
. La sanction
d'une telle imitation doit donc reposer sur d'autres
fondements.
552. Deuxième hypothèse : reproduction d'une
œuvre tombée dans le domaine public. - Si l'œuvre
n'est plus protégée au titre des droits patrimoniaux, sa
reproduction est en principe libre. La copie fidèle d'une
œuvre d'art tombée dans le domaine public peut donc
être réalisée et commercialisée sans autorisation des
ayants droit de l'auteur et sans qu'il soit nécessaire
de leur verser une rémunération. Cette liberté s'exerce
toutefois dans le respect du droit moral. À s'en tenir au
droit de paternité95
, le nom de l'auteur doit donc être
indiqué et, en elle-même, l'imitation de la signature de
l'artiste pourrait difficilement être considérée comme
violant cette prérogative. En pareil cas, c'est en réalité
la situation inverse - c'est-à-dire l'absence de reproduction
de la signature - qui pourrait être sanctionnée sur le
fondement du droit de paternité96
, dès lors toutefois que
le nom de l'auteur n'est indiqué d'aucune autre manière.
Ceci explique que la Cour de cassation ait admis, à propos
de copies quasi serviles d'œuvres de Renoir et de
Toulouse-Lautrec, que « la reproduction de la signature
de l'auteur d'une œuvre d'art tombée dans le domaine
public, sur la copie de cette œuvre, ne porte pas atteinte
au droit moral de cet auteur lorsque, comme en l'espèce,
aucune confusion n'est à craindre entre l'original et sa
copie »97
. Les reproductions avaient en l'occurrence
94. V. en ce sens, mais fondé sur une motivation très ambiguë, CA
Paris, 18 janv. 2022, Miró, Propr.
intell. 2022, n° 84, p. 67, obs.
A. LuCas-sChLoetter ; RTD com. 2022, p. 289, obs F. PoLLaud-duLian.
Rappr. CA Paris, 29 mars 2023, Luiza Miller, Propr. intell. 2023, n° 88,
p. 23 et p. 33, obs. A. LuCas-sChLoetter.
95. Sur le droit de divulgation des exemplaires originaux posthumes d'une
œuvre, v. supra, n° 535 et s. Sur l'exercice post mortem du droit moral,
v. infra, n° 809 et s. Nous n'envisageons dans le corps du texte que le
cas d'une copie fidèle et non l'hypothèse d'une reproduction partielle,
qui pourrait violer le droit au respect de l'œuvre.
96. A. LuCas, A. LuCas-sChLoetter et C. bernauLt, op. cit., n° 610
97. Cass. crim., 11 juin 1997, n° 96-80388, Renoir et Toulouse Lautrec, RIDA
janv. 1998, n° 175, p. 295 et p. 237, obs. A. kéréver. V. auparavant,
dans le même sens et à propos d'œuvres des mêmes artistes, CA Paris,
12 avr. 1996, Renoir et Toulouse Lautrec, JurisData n° 1996-020919,
un format différent des originaux et portaient le mot
« copie » écrit de manière indélébile au dos et sur la
tranche, si bien qu'aucun risque de confusion n'était
effectivement à craindre. Faut-il en déduire, a contrario,
que l'apposition d'une signature apocryphe sur la
copie d'une œuvre entrée dans le domaine public donne
prise au droit moral dès lors qu'il existe une confusion
possible entre ladite copie et l'œuvre originale ? Nous
serions plutôt enclin à répondre par la négative, car le
critère tenant au risque de confusion devrait demeurer
étranger au droit d'auteur98
pas qu'un tel comportement, fortement préjudiciable, ne
doit pas être sanctionné. Il importe donc, là encore, que
des mécanismes autres que le droit d'auteur puissent
jouer.
553. Troisième hypothèse : effacement de la
signature de l'auteur véritable et remplacement par
celle du faussaire ou d'un tiers. - Cette troisième
hypothèse ne suscite pas vraiment de difficulté en ce
qui concerne le droit de paternité. Constitue bien une
atteinte à cet attribut le fait de retirer la signature de
l'auteur de l'œuvre et d'y mettre à la place sa propre
signature ou celle d'un autre artiste, bénéficiant généralement
d'une plus grande notoriété. L'un et l'autre des
deux actes consécutifs - suppression de la première
signature et apposition de la seconde - violent le droit
de paternité conformément à ce qui a été observé plus
haut99
. On parle cependant ici du droit de paternité de
arrêt ayant infirmé TGI Paris, 9 mai 1995, Renoir et Toulouse Lautrec,
RIDA janv. 1996, n° 167, p. 282 et p. 187, obs. A. kéréver. V. aussi CA
Paris, 5 oct. 1995, Renoir, RIDA avr. 1996, n° 168, p. 303 et p. 261,
obs. A. kéréver.
98. En ce sens, v. aussi A. LuCas, A. LuCas-sChLoetter et C. bernauLt, op. cit.,
n° 610, note 268. V. cpdt, admettant l'atteinte au droit moral en présence
de copies d'œuvres de Rodin clairement destinées à entretenir
la confusion, CA Paris, 16 nov. 2012, Rodin, Comm. com. électr. 2013,
comm. 50, obs. C. Caron : à propos d'une version alternative du Penseur
de Rodin jugée non authentique, la cour estime que « le Musée Rodin fait
justement valoir qu'une reproduction qui n'est pas fidèle à l'œuvre originale
ou maîtresse réalisée par l'artiste, comme c'est le cas en l'espèce du
fait des déformations constatées, constitue une contrefaçon de l'œuvre
de l'esprit portant atteinte au respect du nom de l'artiste et à l'intégrité
artistique de son œuvre ». V. dans le même sens, toujours à propos
de reproductions d'œuvres de Rodin, CA Paris, 1er
juill. 2015, Rodin,
cité par A. LuCas, A. LuCas-sChLoetter et C. bernauLt, op. cit., n° 609,
note 256, pourvoi rejeté par Cass. crim., 26 oct. 2016, n° 15-84620,
Rodin. Rappr. à propos d'œuvres non tombées dans le domaine public,
CA Paris, 29 mars 2023, Luiza Miller, préc.
99. Supra, n° 544, et supra, n° 545.
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. Toutefois, cela ne signifie
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