Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re - 272

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tandis que la seconde vise avant tout l'apposition d'une
signature imitée d'un auteur sur une reproduction non
autorisée d'une œuvre qu'il a créée (contrefaçon) ou sur
un travail effectué « à sa manière » (faux stricto sensu)128
en circulation les objets » (art. 2)130
.
Il importe surtout de relever que, dans un cas comme
dans l'autre, le comportement illicite n'est envisagé que
sous l'angle de la signature ou du signe adopté par
l'auteur (initiales, cachet, monogramme, etc.). Or beaucoup
de faux, qu'il s'agisse de contrefaçons ou de faux
au sens strict, ne portent aucune signature ni aucun
signe, de sorte qu'ils échappent à la loi de 1895. Il existe
également des œuvres authentiques non signées par
leur auteur, mais sur lesquelles figure une imitation de la
signature de l'intéressé. Inversement, un faux peut porter
une signature authentique (hypothèse d'un faussaire
ayant travaillé à partir d'un support vierge signé par l'artiste).
Plus généralement, afin d'instaurer une véritable
police du marché, il faudrait que la loi spéciale permette
de sanctionner d'autres formes de travestissement de la
réalité que la fausse paternité : fausse datation, fausse
composition (tel ou tel matériau), fausse provenance (tel
ou tel pays ou région, tel ou tel fabricant, telle ou telle
collection), fausse destination (présenter par exemple un
objet de la vie courante comme un objet rituel afin de lui
donner artificiellement de la valeur), etc.
564. Auteurs du délit. - Le texte punit en premier
lieu les faussaires eux-mêmes, c'est-à-dire les personnes
qui apposent ou imitent la signature ou le signe
d'autrui (art. 1er
tefois difficiles à appréhender129
). En pratique, ces individus sont tou,
et il importe que les
personnes qui participent à la diffusion des faux puissent
également être poursuivies. La loi Bardoux s'y emploie
en visant, en second lieu, « tout marchand ou commissionnaire
qui aura sciemment recélé, mis en vente ou
128. V., faisant cette distinction entre les deux incriminations prévues par la
loi Bardoux, F. duret-robert, op. cit., n° 411-12 ; S. durrande, op. cit.,
p. 689 et s. Comp., peu clair, CA Paris, 2 nov. 1960, RIDA janv. 1962,
n° 34, p. 118, qui décrit la seconde hypothèse comme celle d'un prévenu
ayant « imité frauduleusement la signature ou le, monogramme de
l'auteur véritable [sic], avec l'intention formelle de tromper l'acquéreur ».
129. Comp. CA Paris, 17 févr. 1988, JCP G 1989, I, 3376, note B. edeLman ;
RIDA oct. 1989, n° 142, p. 325 et p. 280, obs. A. kéréver ; D. 1989,
somm. 50, obs. C. CoLombet : à propos de l'apposition par un faussaire
du nom et de la signature de Nicolas de Staël sur une ébauche
de lithographie authentique mais non divulguée, la cour estime que la
loi Bardoux est inapplicable dès lors qu'il n'est pas acquis que ces
inscriptions proviennent des défendeurs.
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. Comme toujours
en matière correctionnelle, ces agissements ne seront
sanctionnés que s'ils ont été commis intentionnellement
: « frauduleusement » pour ce qui est du faussaire
(art. 1er
) ; « sciemment » en ce qui concerne les autres
personnes susceptibles d'être inquiétées (art. 2)131
. À la
vérité, si les deux adverbes ont le mérite d'apporter de la
clarté, ils ne présentent pas réellement d'utilité, puisque,
de manière générale, l'article L. 121-3 du Code pénal
pose comme principe qu'« il n'y a point de crime ou de
délit sans intention de le commettre »132
.
565. Victimes du délit. - La jurisprudence considère
que l'acheteur trompé, qui est expressément mentionné
dans la loi (art. 1er
), peut se constituer partie civile133
.
La Cour de cassation estime qu'il en va de même de
l'auteur et de ses héritiers, solution qui appelle l'approbation134
.
L'action d'une association a, en revanche,
été jugée irrecevable, mais dans une hypothèse où « la
plaignante, qui [n'était] titulaire d'aucun droit moral sur
l'œuvre de l'artiste, ne justifi[ait] pas d'un préjudice
130. V. par ex. Cass. crim. 12 mai 1987, n° 85-96418, Mondrian : condamnation
d'une personne qui avait vendu de faux Mondrian accompagnés
de certificats d'authenticité au Centre Pompidou et, par l'intermédiaire
d'une galerie parisienne, à un collectionneur. Rejet du pourvoi
formé contre CA Paris, 3 déc. 1985, JurisData nos
1985-028751 et
n° 1985-600286 ; Gaz. Pal. 1986, jur. 232, note J.-P. marChi, confirmant
T. corr. Paris, 26 sept. 1984. V. aussi Cass. crim., 20 juill. 1906,
D. 1906, 1, p. 481, rapp. Mercier ; Cass. crim., 26 mai 1961, Derain,
Bull. crim., n° 270, p. 517.
131. Ce qui explique que, dans l'affaire Utrillo (Cass. 1re
civ., 18 juill.
2000, Utrillo, n° 98-15851, préc.), le jeu de la loi Bardoux ait été
écarté : puisque le tableau avait été présenté comme non authentique
au moment de la vente, l'élément moral de l'infraction faisait défaut.
Pour une illustration de ce que peut être un tel élément moral, v. Cass.
crim., 26 oct. 1965, n° 64-92130, Matisse, Bull. crim. n° 210 ; D. 1966,
p. 254 : mauvaise foi d'un marchand d'art attestée notamment par le
délai pendant lequel il avait gardé la toile litigieuse « cachée dans une
armoire sans oser la montrer à quiconque » et par le « prix ridicule »
auquel il avait aliéné le tableau alors qu'« il savait, lui qui était un professionnel,
qu'il l'aurait vendu dix fois plus s'il avait été authentique ».
V. aussi Cass. crim. 12 mai 1987, n° 85-96418, Mondrian, préc.
132. Sur la complicité, v. not. CA Paris, 3 déc. 1985, Mondrian, préc. : l'auteur
d'un certificat d'authenticité qui connaissait intimement le peintre,
mais qui n'est ni professionnel ni expert et qui ignore que les œuvres
sont des faux, n'est pas complice de fraude en matière artistique, faute
d'élément intentionnel.
133. Par ex., dans l'aff. des faux Mondrian, l'action du centre Pompidou en
qualité d'acheteur a été jugée recevable par CA Paris, 3 déc. 1985,
préc.
134. Cass. crim., 26 oct. 1965, n° 64-92130, Matisse, préc. V. depuis,
CA Paris, 3 déc. 1985, Mondrian, préc., jugeant également recevable
l'action du légataire universel du peintre.
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