Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re - 339

LES DROITS PROTÉGÉS
POUR ALLER PLUS LOIN
Une autre question est de savoir si une œuvre sur support numérique,
que lui soit associé ou non un NFT, donne prise au droit de
suite. La réponse est positive, l'art. R. 122-3 du CPI mentionnant
bien les créations plastiques sur support numérique, sous réserve
que soit respecté un plafond de douze exemplaires. Par ailleurs,
la technologie NFT peut sans doute s'avérer utile pour ce qui est
de la réalisation de certaines conditions afférentes aux œuvres
soumises au droit de suite557
.
678. Loi applicable au droit de suite. Présentation
de la règle de conflit. - Un dernier élément général
doit être étudié avant d'envisager le domaine et le
régime du droit de suite tels qu'ils découlent de la
loi française. De nombreux pays, nous l'avons dit,
ignorent l'existence de cette prérogative. Quant à ceux
qui, au contraire, l'ont consacrée, leurs législations
nationales présentent des divergences parfois importantes,
y compris au sein de l'Union européenne, la
directive de 2001 n'ayant pas procédé à une harmonisation
complète. Les enjeux liés au droit applicable
sont donc loin d'être négligeables.
La règle de conflit de lois classique en droit de la propriété
intellectuelle désigne la lex loci protectionis,
c'est-à-dire la loi du pays pour lequel la protection est
réclamée558
. La lex loci protectionis est d'ailleurs expressément
visée en matière de droit de suite par l'article 14
ter de la Convention de Berne, qui pose que la protection
du droit « n'est exigible dans chaque pays de l'Union
que [...] dans la mesure où le permet la législation du
pays où cette protection est réclamée ». Puisque le droit
de suite est lié à la vente de l'œuvre, la loi du pays dans
lequel a lieu la vente devrait lui être applicable : c'est
bien pour ce pays que l'auteur revendique la protection
de cette prérogative. En conséquence, le droit de suite
557. Sur ces deux points, v. infra, n° 687.
558. V. not. l'art. 5 § 2 de la Convention de Berne : « L'étendue de la protection
ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder
ses droits se règlent exclusivement d'après la législation du
pays où la protection est réclamée ». V. également l'art. 8 § 1 du règlement
864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations
non contractuelles (« Rome II »). Pour une analyse de ces dispositions,
v. T. azzi, « Le droit international de la propriété intellectuelle »,
in J. béGuin et M. menjuCq (dir.), Droit du commerce international, 3e
LexisNexis, 2019, n° 767 et s., spéc. n° 856 et s.
éd.,
devrait relever de la loi française lorsque la vente qui en
déclenche la perception se déroule en France559
.
Ce n'est pourtant pas exactement ce que prévoit l'article
R. 122-2 du Code de la propriété intellectuelle, lequel
édicte des rattachements alternatifs non hiérarchisés
qui fixent unilatéralement le champ d'application de la
loi française : soit la vente est « effectuée sur le territoire
français », soit la vente « y est assujettie à la taxe sur
la valeur ajoutée ». Tout en soulignant que le second
critère s'écarte assez fortement de ce que l'on imagine
être la lex loci protectionis en matière de droit de suite,
on le laissera de côté en renvoyant à la partie du présent
ouvrage consacrée au droit fiscal560
. Le premier critère a
beau, quant à lui, être plus conforme à l'idée que l'on se
fait de la règle de conflit, il n'en suscite pas moins des
difficultés d'interprétation. Avant d'envisager celles-ci,
on précisera que, quelle que soit l'interprétation retenue,
il importe que, pour une même transaction, le droit de
suite ne soit pas régi cumulativement par plusieurs lois
nationales et, surtout, qu'il ne soit pas dû plusieurs fois.
Malheureusement, en prévoyant des rattachements unilatéraux
et non hiérarchisés, la règle de conflit française
ne facilite pas un tel résultat.
679. Loi applicable au droit de suite. Interprétation
de la règle de conflit. Ventes aux enchères. -
S'agissant des ventes aux enchères, une vente physique
organisée en salle en France est assurément « effectuée
sur le territoire français » au sens de l'article R. 122-2
et, partant, soumise aux dispositions françaises relatives
au droit de suite. En pareil cas, la loi française
régit vraisemblablement aussi le droit de suite dû au titre
des acquisitions réalisées par des personnes ayant par
exemple enchéri par téléphone ou sur l'internet, qu'elles
soient de nationalité française ou étrangère et qu'elles
résident ou non en France. Quant au cas d'une vente
aux enchères intégralement en ligne, il nous semblerait
justifié de considérer qu'elle est « effectuée sur le territoire
français » lorsqu'elle est organisée par une maison
559. P.-Y. Gautier et N. bLanC, Droit de la propriété littéraire et artistique,
préc., n° 367 ; E. von BardeLeben, « Impérativité internationale du droit
de suite en matière de droit d'auteur », Comm. com. électr. 2014,
étude 21, spéc. n° 10.
560. V. la contribution de R. bourGet, infra, n° 990 et s.
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