Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re - 351

LES DROITS PROTÉGÉS
2. La charge du droit de suite
705. Le vendeur, débiteur légal du droit de
suite. - Les articles 1 § 4 de la directive de 2001 et
L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle énoncent
que le droit de suite « est à la charge du vendeur ».
Autrement dit, c'est sur le patrimoine du vendeur que
vient en principe s'imputer la rémunération. Il est assez
naturel que l'intéressé soit désigné comme débiteur
légal du droit de suite dès lors que c'est lui qui perçoit
le prix de vente de l'œuvre. La possibilité qu'il réalise
une plus-value va également dans le sens de cette
solution, bien que le droit de suite ne soit pas lié à une
telle plus-value622
.
706. Le professionnel, responsable légal du paiement.
- Dire que le droit de suite doit être financièrement
supporté par le vendeur ne signifie pas nécessairement
qu'il revient à ce dernier de procéder aux opérations
de paiement. L'article L. 122-8 du Code de la propriété
intellectuelle distingue à cet égard la « charge » du droit
de suite, incombant au vendeur, et la « responsabilité de
son paiement », incombant quant à elle au professionnel
intervenant dans la vente ou, si la cession s'opère entre
deux professionnels, au vendeur. Cette dissociation
est bienvenue : les professionnels sont plus simples à
contacter et plus à même de s'acquitter des obligations
liées au paiement que leurs clients. La solution a
également pour avantage de ne pas obliger à dévoiler
l'identité du vendeur.
L'article R. 122-9 donne des précisions sur ce point.
En cas de vente aux enchères, le professionnel responsable
du paiement est la société de ventes volontaires
ou le commissaire- priseur judiciaire (désormais
commissaire de justice). Dans les autres cas, il s'agit
du professionnel intervenant dans la vente en qualité
de vendeur, d'acheteur ou d'intermédiaire. Si plusieurs
professionnels interviennent, le responsable du paiement
sera : le vendeur, s'il agit dans le cadre de son activité
professionnelle ; à défaut, le professionnel qui reçoit,
en tant qu'intermédiaire, le paiement de l'acheteur ; à
défaut enfin, l'acheteur qui agit dans le cadre de son
activité professionnelle.
622. Supra, n° 701.
EXEMPLE
Prenons l'exemple d'une vente volontaire aux enchères d'un
tableau par un vendeur non professionnel à un adjudicataire lui
aussi non professionnel. Sauf convention contraire, le vendeur est
le débiteur du droit de suite. Mais, pour ce qui est de la perception
effective de la rémunération, il convient de s'adresser au professionnel
responsable du paiement, qui est en l'occurrence la maison
de vente organisant les enchères. Le prix de l'œuvre sera d'abord
versé par l'acheteur à la maison de vente, augmenté de certains
frais que celle-ci conservera (« frais acheteurs »). Avant de reverser
ledit prix au vendeur, elle en retranchera le montant du droit de suite
qu'elle distribuera à l'auteur ou à ses ayants droit, soit directement,
soit par l'entremise d'un organisme de gestion collective, selon des
modalités que nous présenterons plus loin623
.
707. Dérogation conventionnelle à la charge du
droit de suite. Saga Christie's France. - Une maison
de vente doit naturellement trouver des acheteurs, mais
il est essentiel, en amont, qu'elle attire des vendeurs et,
dans la mesure du possible, des vendeurs importants,
notamment des propriétaires de biens d'exception ou
des collectionneurs qui souhaitent disperser leurs collections.
Afin de susciter une telle attraction, certains
opérateurs de ventes ont mis en place un système visant
à contourner la règle légale désignant le vendeur comme
débiteur du droit de suite. Ainsi, à compter de la fin des
années 2000 et notamment à l'occasion de la fameuse
vente de la collection Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé
qui s'est tenue en 2009, la société Christie's France a
modifié ses conditions générales en y insérant une clause
ayant pour effet de transférer à l'acheteur la charge du
droit de suite624
. Au soutien d'une telle pratique, ont été
invoqués le principe de liberté contractuelle ainsi que la
finalité du droit de suite, l'essentiel étant qu'il soit bien
versé à son bénéficiaire, peu important son débiteur.
De leur côté, les galeristes et antiquaires, qui ont tendance
à privilégier la recherche d'acquéreurs, n'ont
pas voulu se soustraire aux dispositions de l'article
L. 122-8. La pratique de Christie's risquait dès lors
de créer à leur détriment une distorsion de concurrence
623. Infra, n° 712 et s.
624. N. Prod'homme soLtner, « L'Art et la manière... de s'exonérer du droit
de suite », RLDI mai 2009, n° 49, 1624, p. 79.
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