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LES PERSONNES PROTÉGÉES
juridique le rendant apte à jouir de droits subjectifs. Pour
l'heure, seul l'homme derrière la machine est donc susceptible
d'être qualifié d'auteur. Mais encore faut-il que
l'œuvre porte l'empreinte de sa personnalité. Lorsque
l'intelligence artificielle est simplement utilisée comme un
outil au service de l'individu qui crée l'œuvre, l'octroi du
droit d'auteur à ce dernier ne pose guère de difficulté,
dès lors que l'œuvre reflète effectivement la personnalité
de cet individu. Mais si l'être humain n'est intervenu
qu'en amont pour mettre au point la machine, la programmer
et l'alimenter, mais non en aval dans ce qui
peut être comparé à un processus créatif, la production
autonome de l'intelligence artificielle ne portera aucune
trace de la personnalité de cet humain, de sorte que, à
défaut d'être une œuvre et d'avoir un auteur au sens du
Code de la propriété intellectuelle, elle ne donnera pas
prise au droit d'auteur11
.
722. La création : conception intellectuelle ou
réalisation matérielle ? - Pour être protégée par le
droit d'auteur, une œuvre de l'esprit doit être originale,
d'une part, et s'incarner dans une forme, d'autre part12
.
L'originalité renvoie plutôt à la conception intellectuelle
de l'œuvre, puisqu'elle suppose, selon la définition classique,
que l'œuvre porte l'empreinte de la personnalité
de l'auteur ou, selon la définition européenne, qu'il
s'agisse d'une création intellectuelle propre à son auteur.
La condition de forme a davantage trait à la réalisation
matérielle de l'œuvre. Or il arrive que la conception
intellectuelle et la réalisation matérielle émanent de
personnes différentes. Qui peut revendiquer la qualité
d'auteur en pareil cas ? Il est acquis que la personne qui
se limite à fournir une prestation purement intellectuelle
sans véritable influence sur la forme de l'œuvre ne peut
11. V. aussi aux États-Unis d'Amérique, not. US Copyright Office, Review
Board, 14 févr. 2022, aff. ID 1-3ZPC6C3 ; SR # 1-7100387071, A recent
entrance to Paradise, Propr. intell. 2022, n° 84, obs. J.-M. bruGuière ;
US Copyright Office, 10 mars 2023, Copyright Registration Guidance
[...], préc. ; US district court for the district of Columbia, 18 août 2023,
n° 22-1564 (BAH), Dalloz IP/IT 2023, p. 436, obs. E. berezkina ; D. 2024,
p. 392, obs. A. Bensamoun ; us Copyright Office, Review Board, 5 sept.
2023, aff. ID 1-5T5320R ; SR # 1-11743923581, Théâtre D'Opéra Spatial,
Propr. intell. 2024, n° 90, p. 32, obs. J.-M. bruGuière. Rappr. en droit
fiscal, infra, n° 1183. Comp. la jurisprudence chinoise, plus souple quant
aux conditions d'application du droit d'auteur : Beijing Internet Court,
27 nov. 2023, aff. (2023) Jing 0491 Min Chu n° 11279, Propr. intell. 2024,
n° 91, p. 30, obs. J.-M. bruGuière.
12. V. supra, n° 478 et s.
être qualifiée d'auteur. Prodiguer de simples conseils à
un artiste13
de l'œuvre est donc insuffisant14. À l'autre extrémité du
spectre, la personne qui livre une prestation exclusivement
matérielle n'exprime aucune personnalité et ne
peut, en conséquence, pas plus prétendre à la qualité
d'auteur. Il en va ainsi du simple exécutant qui suit fidèlement
les consignes données par autrui15
ou de l'individu
13. TGI Paris, 21 juin 1983, Valuet c/ Vasarely, D. 1984, inf. rap. 286, obs.
C. CoLombet (le statut de coauteur est refusé à Vasarely à propos de l'une
des deux œuvres litigieuses, ce dernier s'étant limité à donner à Valuet
des conseils consistant, d'une part, à agrandir la toile et, d'autre part,
à se restreindre à des nuances de noir, de blanc et de gris). Rappr. CA
Paris, 8 sept. 2015, Propr. intell. 2016, n° 58, p. 36, obs. A. LuCas (la
qualité de coauteur du bateau La Licorne, représenté dans deux des plus
célèbres épisodes des aventures de Tintin, Le Secret de La Licorne et Le
Trésor de Rackham Le Rouge, est refusée à un maquettiste spécialisé
dans la marine ancienne qui avait fourni à Hergé des renseignements
et de la documentation graphique sur les vaisseaux de ligne des xviie
et xviiie
siècles).
14. V. parmi de nombreuses illustrations dans le domaine des arts visuels :
Cass. 1re
civ., 17 oct. 2000, n° 97-20820 (la société qui a donné l'idée
civ., 25 mai 2004, n° 02-13577,
de photographies réalisées pour une campagne publicitaire n'est pas
investie du droit d'auteur) ; Cass 1re
Propr. intell. 2004, n° 13, p. 909, obs. A. LuCas, rejetant le pourvoi
formé contre CA Paris, 13 févr. 2002, JurisData n° 2002-179532
(ne sont pas les coauteurs de tableaux représentant différentes étapes
de la vie de Marcel Duchamp les personnes qui ont indiqué précisément
à leur véritable auteur les thèmes des œuvres, leur cadre et
les personnages représentés et lui ont fourni de la documentation) ;
CA Paris, 24 mai 2000, JurisData n° 2000-120011 (les producteurs
d'une photographie créée à des fins publicitaires qui se sont contentés
de donner au photographe des « indications globales » ne peuvent
revendiquer aucun droit d'auteur sur le cliché) ; TGI Paris, 8 déc. 1980,
RIDA avr. 1981, n° 108, p. 175 (jugé que l'ébauche d'une affiche n'en
constitue que le thème, de sorte que l'artiste qui, sans avoir réalisé
cette ébauche, a créé ladite affiche en est bien le seul auteur, son
travail ne s'étant pas limité à un travail d'exécution) ; TGI Paris, 21 juin
1983, Valuet c/ Vasarely, préc.
15. Pour un refus d'accorder la qualité d'auteur à des photographes se
bornant à suivre les instructions délivrées par d'autres personnes, v. par
ex. TGI Paris, 6 juill. 1976, JCP G 1978, II, 18840, note M.-C. maniGne ;
RTD com. 1977, p. 117, obs. H. debsois ; CA Bordeaux, 29 avr. 1997,
JurisData n° 1997-126814 ; CA Paris, 2 avr. 2003, Propr. intell. 2003,
n° 8, p. 296, obs. P. sirineLLi. Même solution à propos d'une lissière qui
avait réalisé des tapisseries en se limitant à exécuter les instructions de
l'artiste Henri-Georges Adam : CA Limoges, 31 mai 1976, Adam, RIDA
oct. 1976, n° 90, p. 173 ; RTD com. 1976, p. 740, obs. H. desbois.
V. également, déniant la qualité d'auteur au « réalisateur » d'une affiche
créée à partir d'une esquisse établie par le client l'ayant commandée
et combinant uniquement des éléments fournis par ce dernier, Cass.
1re
civ., 2 mai 2001, n° 99-16647, RIDA janv. 2002, n° 191, p. 177, obs.
A. kéréver. V. encore CA Paris, 24 sept. 2021, Propr. intell. 2022, n° 83,
p. 25 et p. 27, obs. A. LuCas : « feuille de route très précise » transmise
au réalisateur de courts films portant sur des expositions organisées
par le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, empêchant de qualifier
le réalisateur d'auteur.
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