Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re - 63

LES CONTRATS RELATIFS AU COMMERCE DES ŒUVRES D'ART ET BIENS CULTURELS
B. La notion de vente de gré à gré
105. Vente purement consensuelle. - Le Vocabulaire
Capitant, dans une édition ancienne, définit le gré à gré
comme signifiant « par accord direct entre intéressés,
sans intervention d'une autorité de contrôle ni formalité
particulière »181
. L'accent est mis sur le caractère purement
consensuel de la vente. Alors que la vente dite de gré à
gré n'est qu'une vente très commune, l'accord direct entre
intéressés étant le plus fréquent, il est d'usage d'employer
ce terme lorsque plusieurs formes de ventes existent pour
une catégorie de biens donnés. Il est donc traditionnel
d'opposer la vente de gré à gré au caractère réglementé
que peut prendre la vente et, plus spécialement dans le
marché de l'art, aux ventes aux enchères182
. On retrouve
également l'utilisation du terme en matière de liquidation
judiciaire, où le terme « ventes » ou « cessions de gré à
gré » est utilisé en opposition à d'autres possibilités offertes
au juge-commissaire dont la vente aux enchères183
.
D'autres exemples existent encore. Autrefois, le Code
des marchés publics évoquait les contrats de gré à gré
(aujourd'hui nommés contrats négociés) et les distinguait
des contrats soumis à procédure d'appel d'offres. Cette
opposition persiste dans tous les contrats où l'appel d'offres
se pratique, notamment dans les contrats d'entreprise, les
contrats portant sur des installations informatiques184
, etc.
Le terme est encore utilisé dans les articles relatifs aux
ventes aux enchères publiques dès que cette possibi181.
Association Henri Capitant, G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 1987.
182. Cette étude est en partie issue de celle écrite en l'honneur de
G. Parléani, F. Labarthe, « Vente de gré à gré et marché de l'art à la
lueur de la réforme du droit des contrats », in Mélanges en l'honneur
du professeur Gilbert Parléani, IRJS éd., 2021, p. 267.
183. C. com., art. L. 642-19 : « Le juge-commissaire soit ordonne la vente aux
enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu'il détermine, la
vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu'elle est de nature
à garantir les intérêts de celui-ci ». Lorsque la vente a lieu aux enchères
publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, à
l'art. L. 642-18, al. 3 : « Le juge-commissaire peut, si la consistance des
biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre
une cession amiable dans de meilleures conditions, ordonner la vente par
adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe ou autoriser la vente de gré
à gré aux prix et conditions qu'il détermine. En cas d'adjudication amiable,
les articles L. 322-7, L. 322-8 à L. 322-11 et L. 322-12 du Code des
procédures civiles d'exécution sont applicables, sous la réserve prévue
au premier alinéa, et il peut toujours être fait surenchère ».
184. Ph. Le tourneau, Contrats du numérique, Informatiques et électroniques,
11e
éd., Dalloz Action, 2021/2022, n° 111-21.
lité est évoquée185
. Cela témoigne de la distinction que
l'on veut établir entre les deux modes de vente, et l'on
comprend bien que la différence essentielle tient en un
libre choix des contractants dans l'hypothèse de la vente
de gré à gré et en son absence dans les ventes aux
enchères, puisque, dans ce dernier cas, la vente ouverte
au public a pour élément majeur de qualification une adjudication
au mieux-disant. Il en va sensiblement de même
dans tous les cas où le législateur emploie le terme de
vente ou de cession de gré à gré. La définition ancienne
du Vocabulaire Capitant, telle qu'on s'y est référée plus
haut, est donc celle qui évoque le mieux la vente de gré à
gré. En revanche, lorsque la réforme du droit des contrats
choisit de définir, non pas la vente de gré à gré, mais le
contrat de gré à gré, des nuances apparaissent.
106. Vente de gré à gré, contrat de gré à gré et
contrat d'adhésion. - Si le sens traditionnel de la vente
de gré à gré paraît donc acquis, dans le sens de « vente
par accord direct entre intéressés », il paraît difficile de
ne pas le comparer à la définition du contrat de gré à gré
donnée à l'article 1110 du Code civil. Ce dernier, né de
la réforme du 10 février 2016, a immédiatement suscité
l'attention. À dire vrai, ce n'est pas tant en raison de la
définition du contrat de gré à gré qui y a été donnée mais
de celle du contrat d'adhésion qui y figure juste après.
C'est donc en contemplation l'une de l'autre que les
deux définitions doivent se comprendre.
107. Contrat de gré à gré et contrat d'adhésion.
- Les définitions de ces contrats ont donné lieu à
de nombreuses interrogations et positions divergentes,
tant par la doctrine que par la pratique. Le législateur
qui devait ratifier l'ordonnance, saisi de ces difficultés, a
donc modifié l'article 1110 de manière significative dans
la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018186
. Les définitions des
deux contrats sont désormais celles-ci : « Le contrat
185. C. com., art. L 321-9.
186. JORF, 21 avr. 2018. Sur cette loi, v. not. D. houtCieff, « Loi de ratification
de l'ordonnance de réforme du droit des contrats, de la preuve et
du régime général des obligations : le droit schizophrène », Gaz. Pal.,
17 avr. 2018, n° 15, p. 14 ; D. mazeaud, « Quelques mots dur la réforme
de la réforme du droit des contrats », D. 2018, p. 912 ; M. mekki, « La
loi de ratification de l'ordonnance du 10 févr. 2016. Une réforme de
la réforme ? », D. 2018, p. 900 ; Th. revet, « L'achèvement de la réforme
du droit commun des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations, regard général », RDC 2018, hors-série du 29 juin 2018, p. 4.
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