Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re - 90

2
A. L'action en réduction du prix
164. Droit commun des contrats. - Il a été vu précédemment
que les parties et les juges préféraient appliquer
les vices du consentement et spécialement l'erreur
sur les qualités essentielles plutôt que le manquement à
l'obligation de conformité. C'est donc davantage sur le
terrain de la formation du contrat d'une manière générale,
et en tout cas pour les hypothèses où l'œuvre ne
correspond pas à la provenance indiquée, qu'il s'agisse
de l'auteur, de l'époque ou du lieu, que les litiges se
règlent.
Il en ira sûrement de même des nouvelles possibilités
offertes par l'ordonnance du 10 février 2016 qui offrent
au cocontractant mécontent d'agir sur le prix, soit de
manière anticipée si le règlement n'a pas eu lieu ou pas
complètement, soit postérieurement en cas de procès.
165. Article 1223 du Code civil. - Le contentieux du
marché de l'art pouvant à bon escient utiliser cet article
ne devrait pas être fréquent, si ce n'est dans l'hypothèse
par exemple de la livraison d'un bien endommagé
dont la charge aurait incombé au vendeur. En effet,
s'il s'agit d'une question d'authenticité, d'époque ou
de provenance, il paraît difficile de la traiter comme
une « exécution imparfaite », ce qu'exige l'article 1223
du Code civil. Selon ses termes, « en cas d'exécution
imparfaite de la prestation, le créancier peut après mise
en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie
de la prestation, notifier dans les meilleurs délais
au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle
le prix. L'acceptation par le débiteur de
la décision de réduction de prix du créancier doit être
rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut
d'accord entre les parties, il peut demander au juge la
réduction de prix ».
166. Mise en œuvre de la garantie. - Bien entendu,
on peut imaginer une vente portant sur un bien vu seulement
en photo, lequel n'aurait pas été tout à fait bien
décrit (restauration, éléments abîmés...). Certes, il faut
se demander ici à quoi servirait la mise en demeure,
puisque, dans le marché de l'art, l'œuvre est par définition
souvent unique. Comme le font remarquer des
auteurs, « faut-il imaginer une mise en demeure dont
l'objet serait de sommer le débiteur d'accepter la
90
réduction du prix, sous peine de réduction unilatérale ?
Reste que l'alternative donnée au débiteur n'en est pas
vraiment une : soit il accepte la réduction du prix... soit
le prix est réduit ! C'est pourtant cette dernière précision
qui est confortée par l'article 1223 qui précise, in
fine, que l'acceptation par le débiteur de la décision de
réduction du prix doit être rédigée par écrit »58
. On en
déduira donc que cela est possible, même si l'on perçoit
que cette mesure est mieux adaptée pour d'autres cas
comme les prestations de service par exemple.
Rien n'empêcherait alors dans une telle hypothèse de
se prévaloir de l'article 1223 du Code civil. Mais, pour
ne pas recourir au juge, il faut un accord écrit du créancier,
ce qui ressemble dès lors à une transaction, sans
en être une, en l'absence de concessions réciproques.
Transaction qui pourrait toutefois être préférée dans ce
cas par le vendeur, car la réduction unilatérale du prix
pourrait permettre à l'acquéreur, outre d'avoir réduit unilatéralement
le prix, d'agir tout de même en justice afin
d'obtenir des dommages-intérêts.
167. Action de droit commun fondée sur l'inexécution
contractuelle : article 1217 du Code civil. - Le
droit commun des contrats offre plusieurs possibilités de
réparation en cas d'inexécution du contrat. Le contentieux
du marché de l'art peut donc y trouver une solution
sous réserve de ce qui a été dit plusieurs fois, à
savoir que, majoritairement, le contentieux porte davantage
sur la formation que sur l'exécution proprement
dite. Toujours est-il que l'article 1217 prévoit plusieurs
sanctions :
« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été
exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa
propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
58. G. ChantePie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, Commentaire
théorique et pratique dans l'ordre du Code civil, 2e
art. 1223.
éd., Dalloz, 2018,
Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re

Table des matières de la publication Droit & Pratique professionnelle - Droit du marché de l'art - 1re
