Les Mélanges - Liber Amicorum en hommage à Pierre Rodière - Droit social international et européen en mouvement - 215

JEAN-PIERRE LABORDE

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nationalité française et de la citoyenneté française. C'est désormais aussi le cas, sur
un terrain différent, de la nationalité française et de la citoyenneté européenne.

A. La nationalité française et la citoyenneté française
Dans la conception française, la nationalité (française) entraîne la citoyenneté
française et tous les droits qui sont attachés à cette citoyenneté, parmi lesquels,
bien sûr, les droits politiques. Il n'y a donc, dans cette vision, aucune différence à
faire entre le national et le citoyen16.
Il faut cependant relever qu'il n'en a pas toujours été ainsi et que, même
aujourd'hui, certaines distorsions peuvent apparaître entre la qualité de national
et celle de citoyen.
Tout d'abord, sur le terrain historique, on rappellera que dans son esprit, le
droit colonial poussait à réduire les droits des ressortissants indigènes de la puissance coloniale française. On évoquera aussi le crime d'indignité nationale, spécialement après la Seconde Guerre mondiale, qui entraînait notamment la perte
de leurs droits civiques par les nationaux français qui, lors de l'Occupation, ne
s'étaient pas comportés avec la loyauté nécessaire. Aujourd'hui et sur un tout
autre terrain, les personnes condamnées pour crimes ou délits peuvent à titre de
peine complémentaire se voir infliger par le tribunal une interdiction de leurs
droits civiques, civils et de famille, totale ou partielle, pour une durée maximale
de cinq ans au cas de délit et de dix ans au cas de crime17, sans pour autant qu'elles
soient dépouillées de leur nationalité. En outre, et c'est encore une tout autre
question, certains droits du citoyen ne peuvent bien entendu s'exercer que si
l'intéressé remplit une condition d'âge minimum ; ainsi les Français mineurs
n'ont-ils pas le droit de vote politique18.
Enfin, sur un autre terrain encore, ce n'est qu'en 198419 que le droit français
accepte de considérer immédiatement comme citoyens à part entière les naturalisés récents. Jusque-là, ils étaient privés temporairement de certains doits
politiques et publics. Aujourd'hui l'article 22 du Code civil énonce de la façon
la plus ferme que « la personne qui a acquis la nationalité française jouit de tous
16. Encore faut-il bien admettre que si la nationalité est tout à fait susceptible d'être
attribuée dès la naissance et si, dans son ordre, elle a une réalité dès ce moment, la citoyenneté,
sans doute en puissance dès la naissance, a tout de même besoin de devenir adulte elle-même
par le cours et l'expérience de la vie. X. Bioy écrit ainsi, de façon très significative, que la
majorité civile fait « du jeune adulte un citoyen à part entière ». - Droits fondamentaux et
libertés publiques, 5e éd., LGDJ, collection Cours, 2018, n° 1415, p. 762. Il faut cependant
ajouter qu'il est assez fréquent que le terme de citoyens soit utilisé avec le même sens qu'aurait
celui de nationaux (français), comme il en est, par exemple, de l'article 1er de la Constitution,
quand il se réfère à « l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de
race ou de religion ».
17. Article L. 131-26 du Code pénal.
18. Il est d'ailleurs à noter que l'idée de conférer au père de famille un droit de vote plural,
qui fut un temps évoquée par le régime de Vichy, ne relevait évidemment pas de la tradition
républicaine.
19. Loi du 7 mai 1984.

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