Manuel - Droit de la bioéthique - 2e - 69

La spécificité de l'élaboration des lois de bioéthique
la biomédecine était candidate pour exercer ces fonctions et préconisait que
les questions de bioéthique relèvent d'une loi-cadre, qui fixerait les grands
principes éthiques fondamentaux et lui attribuerait un rôle jurisprudentiel
dans leur application pratique. Or, en matière de bioéthique, les grands
principes font l'objet d'un large consensus et c'est donc bien plutôt sur les
détails et les problèmes d'interprétation de ces principes que les problèmes
peuvent surgir. Si des débats doivent avoir lieu, il n'est alors pas souhaitable
qu'ils n'aient plus cours dans un cadre démocratique. La mission d'information
sur la révision des lois de bioéthique avait donc repoussé l'idée d'une
délégation de pouvoir à l'Agence de la biomédecine13
et, ainsi que nous le
verrons, souhaité que soient organisés des états généraux chaque fois qu'il
s'agirait de réviser la loi de bioéthique14
après le revers infligé à cette volonté, le CCNE entendait peut-être montrer
au législateur qu'il avait eu tort et prendre date pour la révision suivante.
b. Un risque de prépondérance des intérêts du secteur
biomédical
97. Risques de conflits d'intérêts15
. - L'institutionnalisation de la
parole des scientifiques n'est pas sans poser problème. Au-delà de la fausse
concurrence entre les légitimités, instillée par le CCNE, on peut en effet
estimer que les scientifiques et médecins sont à la fois bien et mal placés
pour participer à l'écriture de la loi. Les risques de lobbysme et de conflits
d'intérêts sont en effet très présents et les professionnels tendent ainsi le
dos aux accusations selon lesquelles ils s'organiseraient « afin de pouvoir
influencer plus efficacement l'orientation des lois de bioéthique dans le
sens qui leur convient »16
. Pour y parvenir, il arrive parfois que les
sur l'évaluation de l'application de la loi nº 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, par MM. A. CLAEYS et
J.-S. VIALATTE, doc AN nº 1325 et Sénat nº 107, 17 décembre et 20novembre 2008, t. 1, p. 16.
13. RGDM, 2009/32, p. 345.
14. Favoriser le progrès médical, respecter la dignité humaine, Rapport d'information fait au nom de la mission
d'information sur la révision des lois de bioéthique, 20janv. 2010, p. 477.
15. Bibl. : A. PICARD, Les mécanismes d'influence en droit médical et biomédical, th. Besançon dir. J.-R. BINET,
LEH, coll. « Thèses », vol. 29, 2020 ; Th. DOUVILLE, Lesconflitsd'intérêts en droit privé, Institut universitaire
Varenne, coll. « Thèses », 2014, préf. Ch. Alleaume ; J. VALIERGUE, Lesconflitsd'intérêts en droit privé, contribution
àlathéorie juridique du pouvoir, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », vol. 589, 2019, préf.
G.Wicker ; J.MORET-BAILLY, Les conflits d'intérêts, LGDJ, coll. « Forum», 2014 ; TAHC, Les conflits d'intérêts,
Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2013.
16. J. TESTART, Faire des enfants demain, Le Seuil, 2014, p. 177 : il poursuit ainsi : « Tout en posant qu'ils ne se
prononcent que sur les problèmes médicaux et non sur les problèmes sociaux, des gynécologues donnent
leur avis par exemple sur la gestation pour autrui, qui pourtant ne présente aucun caractère d'innovation
et ne pose aucune question d'ordre médical. Très écoutés par les politiques, les praticiens de l'AMP, alliés à
quelques chercheurs, obtiennent progressivement tout ce qu'ils revendiquent, au gré des révisions législatives.
Pour le cru 2011 : recours aux cellules embryonnaires sans qu'il soit nécessaire d'expérimenter préalablement
dans un modèle animal, anonymat maintenu des donneurs de gamètes malgré les protestations
véhémentes d'enfants nés de ces pratiques depuis quelques décennies, retrait de l'autorisation spécifique
obligatoire pour l'exercice des activités cliniques d'AMP (...) ». Pour une critique fondée sur l'existence d'un
marché de la PMA, v. aussi « La PMA est avant tout un gigantesque marché » Libération,31 oct.2014 : « si la
PMA existe, c'est d'abord et avant tout parce qu'elle engraisse médecins, généticiens, biologistes, patrons de
start-up, juristes, avocats, banquiers en sperme ou en ovules. Des centaines d'entreprises prospèrent dans
ce secteur, et un nombre grandissant est coté en Bourse. »
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. En organisant une telle étude juste

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