Systèmes - Syndicalisme et droits syndicaux - 1re - 22

Syndicalisme et droits syndicaux

auxiliaires précieux puisqu'ils se donnent l'allure de parti progressiste.
Mais, au milieu des années 1930, le renversement est brutal. Staline
(1878-1953), inquiet de la montée du national-socialisme en Allemagne,
oblige les partis communistes occidentaux à changer brutalement de tactique en adoptant la stratégie du « front de classe ». Ainsi en Espagne du
Frente Popular et en France du Front populaire qui se cristallise à l'occasion
des élections de mars 193614. Mais cela faisait plusieurs trimestres que les
militants progressistes avaient eu l'occasion de se rapprocher et d'organiser des initiatives communes. À partir de septembre 1934, les conversations
s'intensifient entre les responsables de la CGT et les responsables unitaires. Les amis de Jouhaux se méfient des unitaires craignant un noyautage
similaire à celui du début des années 1920. Mais les unitaires considèrent
que la réunification vaut quelques concessions qui dans leurs esprits ne
sont que de forme. Ainsi on reconstituera la « vieille CGT » et non un nouveau sigle afin de démontrer que les unitaires rentrent de nouveau dans la
CGT et donc que c'est eux qui l'ont quitté. En outre, le préambule des nouveaux statuts proclame l'indépendance du syndicalisme. En lisant les textes
de l'époque, on ne peut s'empêcher de penser irrésistiblement à la phrase
« les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ». Il n'est point désinformation, ni fruit de l'imagination que de se représenter les sourires des
leaders de la CGTU, tous membres éminents du parti, quand ils ratifient
les nouveaux statuts qui stipulent : « Le mouvement syndical s'administre
et décide dans l'indépendance absolue à l'égard du patronat, des gouvernements, des partis politiques, des sectes philosophiques ou autres gouvernements extérieurs ». On peut largement estimer que Léon Jouhaux ne devait
pas être dupe, mais qu'il se croyait suffisamment habile pour contenir les
amis de Frachon, voire restreindre progressivement leur influence. Un
ultime pare-feu semble posé. En effet, les nouveaux statuts stipulent,
condamnation rétrospective des comités syndicalistes révolutionnaires :
« La liberté d'opinion et le jeu de la démocratie (...) ne sauraient justifier ni
tolérer la constitution d'organismes agissant dans les syndicats dans le but
d'influencer et de fausser le jeu normal de la démocratie dans leur sein ».
Décidée en septembre 1935, l'unité se fait au congrès de Toulouse
en mars 1936, qui consacre la réunification. Les amis de Jouhaux disposent
d'une majorité des deux tiers et ce dernier conserve le secrétariat général.
Les six secrétaires adjoints sont pour les deux tiers des amis de Jouhaux,
les unitaires en obtiennent deux, l'un pour Frachon et l'autre pour Racamond. Le trésorier Dupond est aussi un ami de Jouhaux. Enfin l'article 10
des statuts de la CGT réunifiée dispose : « Les membres du bureau confédéral ne pourront appartenir aux organes directeurs d'un parti politique ».
Frachon et Racamond démissionnent du bureau politique et du comité central du parti communiste. Bref, la victoire des confédérés réformistes
semble actée. C'est évidemment croire que les apparences sont la réalité
pour s'imaginer qu'il en fut ainsi. Ainsi par exemple La Vie ouvrière,
14. J.-P. BRUNET, Histoire du Front populaire (1934-1938), PUF, Que sais-je, 1998.

Systèmes - Syndicalisme et droits syndicaux - 1re

Table des matières de la publication Systèmes - Syndicalisme et droits syndicaux - 1re