Hors collection - Contrats de droit privé et contrats de droit administratif - 288

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RESPONSABILITÉ ET INDEMNISATION

même si elle était présente dans le Traité des contrats de Gaston Jèze85 et
surtout dans la thèse de Georges Péquignot86. Elle est en tout cas restée
oubliée depuis. Cette idée tient au fait que certaines fautes commises par
les cocontractants ne le sont pas véritablement au préjudice de l'administration, comme l'interruption d'un service public. En d'autres termes, il
est des situations dans lesquelles des dommages et intérêts sont infligés au
cocontractant mais sans qu'il n'existe en face de préjudice qui soit vraiment
réparable. Une illustration frappante de cette étrangeté apparaît dans la
jurisprudence Deplanque du Conseil d'État du 31 mai 190787. En l'occurrence le concessionnaire de l'éclairage public s'était vu infliger 1 000 francs
de dommages et intérêts en raison d'un dysfonctionnement de l'éclairage
publique (insuffisance de voltage et pannes) sur quelques jours. Le Conseil
d'État a essayé de forcer les apparences en jugeant que cette somme - qui
correspond à peu près à 3 500 euros actuels - était « destinée à compenser la
privation des avantages que la ville était en droit d'attendre de la complète
exécution des clauses du contrat ». Et pour ce qui concerne l'évaluation, le
Conseil d'État s'en était remis à l'arbitrage du Conseil de préfecture et au
fait « que le requérant n'établi[ssai]t pas que cette indemnité soit exagérée ».
Néanmoins, comme Péquignot, il faut admettre que par leur nature même
certains préjudices ne peuvent être réparés. Et tel est notamment le cas
lorsque, comme ici, un service public a été interrompu ou mis en œuvre
de façon incorrecte. Dans de telles situations, en effet, le dommage atteint
l'usager plus que l'administration elle-même. En outre, l'on ne voit pas bien
comment une telle atteinte à l'usager pourrait être réparée. La jurisprudence
est d'ailleurs parfaitement claire sur le sujet : les préjudices des usagers et
de l'administration sont clairement séparés et les dommages subis par les
premiers ne sont pas regardés comme des préjudices réparables au profit
85. G. Jèze, op. cit. T. 4, 1936, p. 99.
86. G. Péquignot, op. cit. p. 340 ; « Mais il nous semble que les dommages-intérêts dans
le contrat administratif ont un rôle beaucoup moins compensatoire que dans le contrat de
droit privé. C'est que, d'une part, des dommages-intérêts quelque élevés qu'ils soient, ne
paraissent pas toujours constituer une réparation adéquate du préjudice subi par l'administration. Il importe peu au public, bénéficiaire en dernière analyse des contrats administratifs,
qu'une somme d'argent qui se perd dans l'océan du budget sans même qu'à titre de contribuable il en reçoive un bénéfice perceptible, soit versée par le cocontractant en faute. Ce
qui importe au public, c'est que les services publics fonctionnent, que les ouvrages publics
soient construits et entretenus. D'autre part, il sera bien souvent difficile, sinon impossible,
de déterminer avec exactitude le préjudice subi par l'administration comme conséquence
de la faute de son cocontractant. Comment par exemple, chiffrer le préjudice causé à un
État en guerre par le retard d'un fournisseur à livrer des obus ou des canons ? Comment
évaluer le préjudice éprouvé par l'administration ou l'ensemble des usagers du fait de la
carence des services d'eau, de gaz, ou d'électricité ? » v. aussi, dans le même sens, A. Bosc :
« Le régime des pénalités dans les marchés de fourniture », RDP 1921.215.
87. CE, 31 mai 1907, Deplanque, RDP 1907. 684, concl. Romieu ; RDP 1907.678, note
Jèze ; S. 1907, 3, 113, note Hauriou.

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