Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 150 - Les rapports entre Cours suprêmes et législateurs dans les systèmes constitutionnels de Common Law - 273

L'EXTENSION JURIDICTIONNELLE DE L'ÉTENDUE DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE

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nécessaires au soutien de la loi280. La deuxième est due au fait que les législateurs
sont élus démocratiquement à l'inverse des juges suprêmes. Cette considération se
retrouve largement dans les trois ordres juridiques281. La dernière est, quant à elle,
attachée aux caractéristiques des procédures législatives, notamment au temps à
la disposition des parlementaires pour adopter un texte et au travail des commissions qui permettent d'interroger de nombreux témoins aux expériences diverses
quand le processus juridictionnel est lui enserré dans des contraintes temporelles
strictes et n'offre qu'un accès limité282.
584. La qualité de ces arguments, qui soutiennent une forme de retenue juridictionnelle vis-à-vis des appréciations législatives relatives à l'existence, ou à la
probabilité, des faits sociaux nécessaires au soutien de la loi, a pu être fortement
contestée dans les trois États. Aux Royaume-Uni, elle a pris une dimension particulière, puisque la doctrine est fermement divisée sur la question de savoir dans
quelle mesure de telles considérations sont légitimes. Une partie d'entre elle reconnaît qu'il est nécessaire pour les juges de respecter les décisions des acteurs politiques. Les Professeurs Murray Hunt et Aileen Kavanagh par exemple considèrent
qu'il convient parfois de faire preuve de la déférence due aux autorités publiques
(due deference), notamment en situation d'incertitudes empiriques283. D'autres
auteurs, tel le Professeur Trevor Allan, ont pu, au contraire, s'opposer à cette idée,
en ce qu'elle pousserait les juges à abdiquer leur rôle de gardien des droits garantis284. Comme le note le Professeur Jeffrey Jowell, la question du degré de respect
devant être montré par les juridictions vis-à-vis des autorités est certainement
l'une des plus délicates285. Le débat doctrinal en la matière est donc particulièrement
280. Cela était particulièrement vrai au cours des premières années de mise en œuvre du HRA,
v. par ex. R v Director of Public Prosecutions, ex parte Kebilene [1999] UKHL 43. Une telle approche
a été qualifiée de « spatiale », notamment par Murray Hunt, « Sovereignty's Blight : Why
Contemporary Public Law Needs the Concept of "Due Deference" » in N. Bamforth et P. Leyland
(dir.), Public Law in a Multi-layered Constitution, Hart Publishing, Oxford, 2003, chapitre 13 (version
numérique). Cette métaphore est aujourd'hui largement employée par la doctrine pour évoquer cette
justification de la retenue juridictionnelle. V. par ex. A. Brady, Proportionality and Deference under the
UK Human Rights Act, op. cit., section 1.4.2 : « According to the spatial view, if the subject matter
deals with economic and social policy, then the courts should give a large degree of deference.
Economic and social policy is in the government's "space" and not that of the court. Conversely, if the
case concerns the right to fair trial, then the courts should defer less » ; v. également C. Gearty,
Principles of Human Rights Adjudication, OUP, Oxford, 2004, p. 121-122.
281. V. par ex. W. Araiza, « Deference to Congressional Fact-Finding », art. cit., p. 888 ;
A. Johnson, « Abdicating Responsibility », art. cit., p. 563 ; J. Jowell, « Judicial Deference », art. cit.,
p. 595-601.
282. V. par ex. S. Pilchen, « Politics v. The Cloister : Deciding when the Supreme Court Should
Defer to Congressional Factfinding under the Post Civil War Amendments », Notre Dame L. Rev.,
1984, vol. 59, p. 337 ; E. Berger, « Deference Determinations and Stealth Constitutionalism », Iowa
L. Rev., 2013, vol. 98, p. 472.
283. V. par ex. M. Hunt, « Sovereignty's Blight », art. cit. ; A. Young, « In Defence of Due
Deference », MLR, 2009, vol. 72, p. 554-580 ; A. Kavanagh, « Defending Deference in Public Law
and Constitutional Theory », LQR, 2010, vol. 126, p. 222-250.
284. V. not. T. Allan, « Human Rights and Judicial Review : A Critique of Due Deference »,
CLJ, 2006, vol. 65, p. 671-695 ; T. Allan, « Deference, Defiance, and Doctrine : Defining the Limits
of Judicial Review », U. Toronto L.J., 2010, vol. 60, p. 41-59 ; C. Chan, « Proportionality and
Invariable Baseline Intensity of Review », LS, 2013, vol. 33, p. 1-21.
285. J. Jowell, « Judicial Deference : Servility, Civility or Institutional Capacity », PL, 2003,
p. 592 : « It is becoming clearer by the day that the most difficult question for the courts in the
interpretation of the Human Rights Act 1998 is the extent to which they should defer to Parliament
and other institutions of government on matters relating to the public interest ».

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