Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 150 - Les rapports entre Cours suprêmes et législateurs dans les systèmes constitutionnels de Common Law - 348

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LES RAPPORTS ENTRE COURS SUPRÊMES ET LÉGISLATEURS
DANS LES SYSTÈMES CONSTITUTIONNELS DE COMMON LAW

références solides à la jurisprudence53. En ce sens, le développement de cette partie
de l'activité du Comité a renforcé l'effectivité de l'action pédagogique de la juridiction suprême.
798. Ainsi, au Royaume-Uni, la transformation majeure du processus politique provoquée par l'adoption du Human Rights Act est une modification de la
manière de concevoir les projets de loi. Elle est désormais largement influencée
par la jurisprudence. La juridiction suprême britannique exerce une réelle action
pédagogique. Un phénomène tout à fait similaire est observable au Canada. Bien
qu'aucun rapport canadien n'ait jusqu'à présent fait état de l'incapacité du
ministre de la Justice à affirmer la compatibilité d'un projet de loi54, cette absence
ne signifie pas que l'adoption de la Charte n'a pas modifié la manière dont les
projets de loi sont conçus. Alors que dans ses premières années d'exercice, plusieurs auteurs ont exprimé des doutes quant à l'effectivité d'un contrôle prélégislatif55, il est aujourd'hui largement admis que le processus bureaucratique de
préparation des textes gouvernementaux a évolué depuis 198256.
799. La question du respect des droits garantis est centralisée au Canada,
puisqu'elle relève de la compétence du ministère de la Justice et non de chaque
département du Cabinet comme c'est le cas au Royaume-Uni. L'évaluation est
principalement réalisée par une division spécialisée, la Section des droits de la
personne (SDP - Human Right Law Section), créée dès 1982. Initialement, elle
avait pour objectif de proposer les modifications nécessaires des lois déjà en
vigueur afin d'assurer leur conformité avec les nouvelles exigences constitutionnelles57. Avec le temps, son rôle a évolué et elle se concentre aujourd'hui en grande
partie sur l'examen de la compatibilité des futurs projets58.
800. Pour remplir ce rôle, la SDP a développé un « répertoire » (check-list)
regroupant les questions qui doivent être prises en compte pour assurer le respect
des exigences de la Charte59. Il sert de guide de travail pour les services juridiques
ministériels (SJM - Legal Services Units), des unités de juristes, rattachés au ministère de la Justice et présents dans chaque département du Cabinet pour aider à la
préparation des projets législatifs. Le répertoire est mis à jour tous les six mois, en se
fondant sur la jurisprudence. Chaque ministère qui souhaite proposer un nouveau
texte doit préparer un mémorandum précisant ses objectifs et ses conséquences,
53. A. Kavanagh, « The Joint Committee on Human Rights : A Hybrid Breed of Constitutional
Watchdog » in M. Hunt, H. Hooper et P. Yowell (dir.), op. cit., chapitre 6 (version numérique).
54. V. supra, § 746.
55. P. Russell, « A Democratic Approach to Civil Liberties », U. Toronto L.J., 1969, vol. 19,
p. 125-126 ; D. Kinley, The European Convention on Human Rights : Compliance without Incorporation,
Dartmouth Publishing, Aldershot, 1993, p. 105.
56. Les Professeurs James Kelly et Janet Hiebert ont également mené des entretiens avec des
responsables publics canadiens : le premier, dans le cadre de son ouvrage J. Kelly, Governing with the
Charter : Legislative and Judicial Activism and Framers' Intent, UBC Press, Toronto, 2005
(v. not. chapitre 5, p. 222-265) ; la seconde, dans le cadre de son ouvrage J. Hiebert, Charter Conflicts
- What is Parliament's Role ?, McGill-Queen's Univ. Press, Montréal, 2002 (v. not. chapitre 1, p. 4-13).
57. B. Strayer, « Life under the Canadian Charter : Adjusting the Balance between Legislatures
and Courts », PL, 1988, p. 359 ; M. Dawson, « The impact of the Charter on the Public Policy Process
and the Department of Justice », Osgoode Hall L.J., 1992, vol. 30, p. 597.
58. J. Kelly, op. cit., p. 227-236.
59. Le répertoire n'est pas un document public mais son existence a été signalée lors des entretiens
conduits par le Professeur James Kelly à la fin de années 1990 et au début des années 2000 avec
plusieurs responsables publics : v. J. Kelly, op. cit., p. 298, note 48.

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