Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 11

PRÉFACE

Il fallait beaucoup de courage à Mademoiselle Laura Varaine pour se lancer
dans un travail doctoral sur la religion du contractant.  Peut-être aussi l'insouciance d'une Réunionnaise, dont l'île est souvent présentée comme une terre de
métissage, sur laquelle coexistent de manière pacifique et, dans le plus grand
respect, de très nombreuses spiritualités différentes.
Quel qu'en soit le ressort intime, la thèse est bienvenue.
En ce début du xxie siècle, le phénomène religieux prend en effet une importance croissante, bouleverse bien des comportements, et conduit à une approche
renouvelée des notions de laïcité et de tolérance. Il n'était guère concevable que
le contrat échappât à ce mouvement de fond : si elle rattache les hommes à une
divinité, la religion tisse également des liens entre les hommes. Cette dimension
horizontale ou sociale de la religion la rapproche presque naturellement du
contrat. Des affaires très médiatisées ont du reste déjà montré combien certains
contractants, les employeurs et les bailleurs notamment, étaient de plus en plus
fréquemment confrontés aux convictions religieuses de leurs partenaires et
devaient tantôt les prendre en considération, pouvaient tantôt les ignorer.
La thèse de Mademoiselle Laura Varaine adopte cependant une vision
beaucoup plus large que ces hypothèses particulières. Elle démontre que la
religion confère fréquemment au contrat une dimension supplémentaire au seul
échange économique dans lequel on le contient trop souvent. Investissant avec
enthousiasme une question quelque peu délaissée par la doctrine privatiste,
Mademoiselle Laura Varaine convainc le lecteur que, loin de rester à la porte
du contrat et de lui être entièrement indifférente, la religion a déjà investi son
territoire. Mais Mademoiselle Varaine ne se contente pas de décrire un phénomène : se livrant à une analyse minutieuse et pertinente des rapports que
peuvent entretenir contrat et religion, elle offre à ses lecteurs de précieuses clés
de compréhension, sur lesquelles pourront s'appuyer avec confiance et assurance de futurs travaux.
La religion peut, selon Mademoiselle Varaine, être facteur de concorde ou
de discorde contractuelle. Cet habile habillage lui permet de montrer que la religion exerce des influences diverses, presque contraires. Lorsqu'elle est partagée
par les contractants, la religion vivifie le rapport contractuel en lui apportant un
supplément d'âme : que le contrat soit soumis à un droit religieux ou qu'il se
contente d'incorporer certaines règles religieuses, il voit son régime, et parfois
même sa qualification, modifié. Mais lorsque la religion est propre à un contractant, il est possible qu'il cherche, si ce n'est à l'imposer à son partenaire, du moins
à faire en sorte que le contrat ne porte pas à ses convictions une atteinte intolérable. La religion se fait alors facteur de dislocation du lien contractuel.
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