Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 151

LES CONSÉQUENCES SUR LE RÉGIME DU CONTRAT

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pressions, la seconde étant la conséquence du recours à des « techniques propres à
altérer le jugement ». En d'autres termes, il n'y a pas lieu de différencier les pressions exercées de la sujétion psychologique, les unes étant la cause de l'autre. Par
ailleurs, la référence à l'usage de procédés ayant pour effet d'affecter le jugement
rappelle les critères du dol. Si vice du consentement il devait y avoir, l'exploitation
de la sujétion psychologique mentionnée à l'article  223-15-2 du Code pénal et
résultant de l'usage de procédés de nature à altérer le discernement relèverait alors
plus certainement de ce dernier que de la violence61. Enfin, un autre argument,
d'ordre terminologique, peut être soulevé au soutien de cette thèse. L'article 313-4
ancien du Code pénal disposait que l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne devait avoir été exploité aux fins de l'« obliger (...) à un acte ou à une abstention ». L'article  223-15-2 se contente, désormais, de manœuvres ayant « conduit
[une personne] à un acte ou à une abstention ». Or, « cette évolution permet de distinguer l'abus de faiblesse de l'extorsion, et le rapproche ainsi de l'escroquerie et du
dol. Le fait d'obliger une personne à contracter constitue une violence, tandis que la
conduire à contracter suppose une ruse62 ». Autrement dit, le seul véritable cas de
violence serait celui dans lequel des pressions auraient été exercées sur la victime.
Les suggestions faites pour caractériser l'exploitation de la sujétion n'emportent
pas davantage une totale conviction. Des considérations techniques et pragmatiques
semblent s'opposer, premièrement, à la distinction entre les présents d'usage et les
libéralités. Il est douteux que la proposition permette vraiment de réduire les cas de
nullité, du fait de la définition assez restrictive des présents d'usage63. Deuxièmement,
il paraît difficile d'admettre la lésion dans les actes à titre onéreux, alors que le législateur a toujours entendu lui assigner un domaine restrictif64.
225. Prise en considération de la sujétion et du défaut d'altérité postérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016. Bien que s'inspirer de l'article 223-15-2 du
Code pénal ne paraisse pas approprié, la possibilité de sanctionner un vice du
consentement, en présence d'une sujétion spirituelle, mérite considération. D'ailleurs, longtemps critiqué en raison de son caractère suranné, l'article 1114 a disparu du Code civil, en 2016, au lendemain de la réforme du droit des contrats65.
La crainte révérencielle peut par conséquent, dans les contrats conclus au sein des
communautés de personnes, être assimilée à un cas de violence. Il serait faux pour
autant d'imaginer que l'altérité réduite ne puisse plus trouver aucun rôle à jouer.
La prise en considération de la crainte révérencielle est un témoignage de la perte
d'autonomie des membres de la communauté, que le droit tente de juguler.
L'article  1143 nouveau encadre néanmoins la possibilité d'invoquer cette
cause de nullité. Loin de se cantonner à la violence économique, qui avait longtemps posé problème, mais sans pour autant viser tout abus de faiblesse66, la
61. A. Dadoun, La nullité du contrat et le droit pénal, préf.  Y.-M. Serinet, LGDJ, coll.  Bibl.
dr. privé, T. 529, 2011, p. 44, n° 64.
62. Ibid.
63. Le présent d'usage n'est qualifiable comme tel que si l'existence d'une tradition est démontrée.
V. Cass. 1re civ., 6 décembre 1988 : Defrénois 1989, art. 34492, p. 480, n° 35, obs. Champenois (G.) ;
JCP G 1989, IV, p. 49 ; JCP N 1989, II, p. 305, note Venandet (G.).
64. C. civ., art. 1118 anc. ; art. 1168 nouv.
65. Rappr., C. civ., art. 180. Modifié par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006, il assimile la crainte
révérencielle à une forme de violence en matière de mariage.
66. En faveur d'une telle option, C. Ouerdane-Aubert de Vincelles, Altération du consentement
et efficacité des sanctions contractuelles, préf. Y. Lequette, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèse,
vol. 19, 2002, p. 342, n° 438.
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