Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 22

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LA RELIGION DU CONTRACTANT

sa vocation à satisfaire la curiosité de l'homme, en concurrence avec la science21.
Elle la surpasse, toutefois, en apaisant ses craintes et ses peines face aux malheurs
de la vie22 et à l'incertitude de la condition humaine23. En cela, l'approche philosophique n'est pas sans rappeler l'approche sociologique.
8. Définitions sociologiques de la religion. En ce domaine, un débat oppose
les partisans des définitions dites fonctionnelles à ceux d'une analyse dite
substantive24.
Comme l'indique l'adjectif employé pour les qualifier, les premières
reposent sur les fonctions attribuées à la religion. Celle-ci aurait pour objet de
donner un sens à l'existence humaine25 ou jouerait le rôle de facteur d'intégration sociale26. Conduisant à se demander si les instances politiques, sportives,
médicales ayant une même fonction sociale ne doivent pas être qualifiées de
religions, cette approche fonctionnelle se voit néanmoins reprocher son caractère trop extensif27. Avec la multiplication des « religiosités séculières », l'objet
religieux perd alors son sens.
À ces notions fonctionnelles, il a donc été proposé de substituer des définitions substantives insistant sur le caractère transcendantal des religions28. Il s'agit
davantage de s'intéresser à leur essence et ce qui fait leur spécificité. La définition
est nettement plus précise, mais il peut lui être reproché de n'englober que les
religions traditionnelles. Or, certains sociologues évoquent dorénavant une sorte
de « forum shopping » religieux29.
Les critères fonctionnels et substantifs étant finalement impropres à révéler
les transformations contemporaines du phénomène religieux, de nouvelles
approches ont pu émerger, au nombre desquelles figure une proposition de
Madame Hervieu-Léger et de Monsieur Willaime. La religion serait un « mode de
croire », caractérisé par des croyances et des rites. Cependant, le contenu même de
la croyance importerait moins que son origine, l'essentiel étant qu'elle soit le fruit
d'un partage intergénérationnel entre coreligionnaires30.
Cette définition, pas plus que les autres, n'emporte une totale adhésion. Les
sociologues, pas plus que les philosophes, n'ont pu s'accorder sur le sens de la
religion.
21. S. Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, trad. A. Berman, Gallimard, coll. Idées,
1936, p. 213.
22. Ibid.
23. H. Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, coll. Quadrige, 1990, p. 186.
F.  Nietzsche, Par-delà le bien et le mal : prélude d'une philosophie de l'avenir, 10e  éd., Mercure de
France, 1913, p. 109.
24. O.  Bobineau et S. Tank-Storper, Sociologie des religions, 2e  éd., Armand Colin, 2012,
p. 124 et s., J.-P. Willaime, Sociologie des religions, op. cit., p. 116 et s.
25. J.-P. Willaime, Sociologie des religions, op. cit., p. 116.
26. E. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie,
F. Alcan, 1912, p. 65. Ibid., p. 595.
27. D. Hervieu-Léger, « La religion, mode de croire », Revue du MAUSS, 2003, vol. n° 22, n° 2,
p. 144 et s.
28. J.-P. Willaime, Sociologie des religions, op. cit., p. 119.
29. J.-P. Willaime, Sociologie des religions, op. cit., p. 83. En ce sens également, O. Bobineau et
S. Tank-Storper, Sociologie des religions, op. cit., p. 89 et s.
30. D. Hervieu-Léger, « La religion, mode de croire », art. préc. J.-P. Willaime, « La religion :
un lien social articulé au don », art. préc.
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