Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant - 87

LA CONTRACTUALISATION PAR INCORPORATION DES MOTIFS RELIGIEUX

des murs, haies ou fossés, en autant de parties qu'il y a de cultes différents, avec une
entrée particulière pour chacune, et en proportionnant cet espace au nombre d'habitants de chaque culte ». Une loi municipale du 5 avril 1884, aujourd'hui reprise à
l'article L. 2113-1 du Code général des collectivités territoriales, est venue peu de
temps après prohiber toute discrimination en matière de funérailles et de sépulture. Il ne saurait donc être question de tenir compte de prescriptions spécifiques
liées à la religion d'appartenance du défunt.
L'explication méconnaît, en vérité, la portée du principe de neutralité.
Prenant acte de certaines difficultés53, la loi du 14 novembre 1881 n'a fait que
supprimer l'obligation de constituer, au sein des cimetières publics, des carrés
confessionnels. Elle n'a pas pour autant eu vocation à les interdire. Elle se concilierait sinon difficilement avec l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887, qui
consacre le droit pour tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, de définir les modalités civiles ou religieuses de ses funérailles ainsi que de sa sépulture.
Un maire ne peut donc, sous prétexte d'exercer son pouvoir de police, méconnaître la volonté du défunt. Il n'a pas à se laisser guider, à défaut de volonté exprimée, par les convictions vraies ou supposées de la personne décédée pour décider
de lui attribuer une concession funéraire dans un carré confessionnel. Il est en
revanche tenu de se conformer au souhait du défunt d'être inhumé dans un lieu
déterminé du cimetière, que celui-ci corresponde ou non à son appartenance religieuse54. En somme, le principe de neutralité n'oblige en réalité le maire qu'à
garantir la non-manifestation des appartenances religieuses dans les parties communes des cimetières publics55.
105. Répercussions sur la validité des concessions funéraires. Tout cela rejaillit
sur les contrats de concession funéraire qui pourraient être conclus par une commune. Une fois constatée la conformité à l'ordre public de la volonté exprimée par
un défunt souhaitant être enterré dans un carré confessionnel, la mise à disposition par voie contractuelle de concessions funéraires à l'intérieur de carrés confessionnels devient parfaitement envisageable.
Cette solution permet de concilier habilement le principe de neutralité avec la
liberté de religion, qui ne peut faire l'objet de restrictions que pour d'impérieux
motifs56. Aucune considération sérieuse ne peut ici justifier une limitation qui, de
par son absoluité, encourrait au surplus le grief de la disproportion. Il faut espérer qu'un tel équilibre soit également atteint dans le cadre des contrats ayant pour
objet le financement indirect des cultes.
2. L'incorporation du motif religieux aux contrats de financement des cultes
106. Développement des contrats tendant à concilier le principe de non-subventionnement des cultes et la liberté de religion. Présentée comme un principe « fondateur de notre contrat social57 », la laïcité reste pourtant à ce jour l'une des notions
53. J.-P. Machelon, Les relations des cultes avec les pouvoirs publics. Rapport au ministre chargé
des cultes, Doc. fr., 2006, p. 60 : « Les difficultés pratiques d'application [des dispositions prônant la
confessionnalisation des cimetières] ont en grande partie justifié la déconfessionnalisation des cimetières
par la IIIe République ».
54. Ibid., p. 61.
55. Ibid.
56. V. infra, n° 404 et s.
57. A. Lallet et E. Geffray, « Le Conseil d'État, gardien du temple : bref retour sur 25 ans de
laïcité », AJDA 2014, p. 104.

Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 590 - La religion du contractant