Manuel - Droit de la distribution - 2e - 436

DROIT DE LA DISTRIBUTION

558. Le refus d'agrément peut-il constituer une entente ? - En
lien avec la question précédente, la jurisprudence se montre hésitante
quant au fait de savoir si, dans un réseau de distribution, le refus d'agrément émanant du fournisseur peut s'analyser en une entente ou en un
acte unilatéral. Très tôt, la Cour de justice a indiqué, à propos d'un réseau
de distribution sélective, que le refus d'agréer était bien une entente :
« une pareille attitude de la part du fabricant ne constitue pas un comportement unilatéral de l'entreprise qui [...] s'insère, par contre, dans les relations contractuelles que l'entreprise entretient avec les revendeurs. En
effet, dans le cas d'admission d'un distributeur, l'agrément se fonde sur
l'acceptation, expresse ou tacite, de la part des contractants, de la politique poursuivie par AEG exigeant, entre autres, l'exclusion du réseau
de distributeurs ayant les qualités pour y être admis, mais n'étant pas disposés à adhérer à cette politique. Il y a donc lieu d'estimer que même les
refus d'agrément sont des actes qui relèvent des relations contractuelles
avec les distributeurs agrées, en tant qu'ils visent à garantir le respect des
ententes limitatives du jeu de la concurrence qui sont à la base des
contrats entre les fabricants et les distributeurs agrées »36. La Cour laisse
toutefois entendre qu'un refus isolé, « ne relevant pas d'un comportement
systématique », puisse échapper à la qualification37. La jurisprudence
nationale a, en général, tendance à analyser le refus d'agrément en une
entente38, pour laquelle l'effet ou l'objet anticoncurrentiel doit cependant
être démontré39. Si quelques séquences jurisprudentielles ont temporairement pu semer le doute40, l'Autorité de la concurrence clairement pris
parti pour la qualification d'accord de volonté au sens du droit des
ententes41.

36. CJCE, 25 oct. 1983, aff. 107-82, AEG-Telefunken AG: Rec. 1983, p. 3151, spéc. pts 38 et s.
37. CJCE, 25 oct. 1983, préc., pt 39.
38. CA Paris, 23 janv. 2019, nº 16/16856 : Concurrences nº 2-2019, p. 88, obs. ERESEO N. ; Contrats, conc.
consom. 2019, comm. 72, obs. DECOCQ G. Pour la cour d'appel, si le refus d'agrément non discriminatoire
est une entente, la solution doit être identique s'agissant d'un refus discriminatoire : « il n'est pas envisageable [qu'] un refus d'agrément non discriminatoire soit considéré comme un concours de volontés alors
qu'un refus d'agrément discriminatoire ne le serait pas, car cela viderait les règles de licéité des réseaux de
toute efficacité [...] ». V. égal. CA Paris, 27 mars 2019, nº 17/09056 : Contrats, conc. consom. 2019,
comm. 101, obs. MALAURIE-VIGNAL M.
39. CA Paris, 12 déc. 2018, nº 16/1985 : Concurrences nº 1-2019, p. 95, obs. FERRIER N. Si la cour évoque le
« refus isolé d'agrément », c'est sans remettre en cause la qualification d'entente, mais pour examiner son
caractère anticoncurrentiel ou non (et donc l'envisager sous l'angle des ententes). Les juges du fond, après
avoir écarté l'objet anticoncurrentiel rappellent que « pour constituer une entente par effet, un refus d'agrément doit être de nature à éliminer la concurrence ou permettre cette élimination ».
40. Ex. : T. com. Paris, 29 juin 2016, nº 2016012884, Palau/Mazda ; 14 déc. 2016, nº 2015045226, Automobiles
Berry Sologne/Hyundai ; 21 févr. 2018, nº 2017006510, Garage de Bretagne/Mercedes-Benz France, cités par
VOGEL J. et VOGEL L., obs. LEDCO 2019, nº 2, p. 7. Ces auteurs parlent d'une jurisprudence fermement établie (LEDCO 2019, nº 3, p. 7), ce qui est contestable, au regard notamment des solutions ultérieures rendues par la Cour d'appel de Paris. D'autres se montrent critiques sur la qualification retenue et évoquent,
dans une approche contractualiste, l'hypothèse d'une « entente sans accord », sans tenir compte du caractère souvent très pragmatique du droit de la concurrence vis-à-vis des catégories civilistes (v. GRIMALDI C.,
obs. LEDCO 2019, nº 4, p. 1).
41. ADLC, déc. nº 19-D-08 du 9 mai 2019, secteur de l'entretien et la réparation automobile, spéc. pts 31
et s.

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