Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 270

DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
A. L'absence de codélégation
Marc Monet a subdélégué les pouvoirs qui lui sont délégués à chaque directeur d'établissement et,
concernant l'établissement en cause, il a réparti les pouvoirs entre le directeur et la directrice
adjointe. Il convient alors de déterminer s'il s'agit d'une codélégation.
La jurisprudence refuse catégoriquement la codélégation, qui consiste à attribuer à plusieurs
personnes les mêmes pouvoirs, en ce que cela « est de nature à restreindre l'autorité et entraver
les initiatives de chacun des prétendus délégataires »24
. En ces termes, la chambre criminelle
s'oppose seulement à la double délégation de la même mission. En revanche, rien ne s'oppose à
la pluri-délégation, c'est-à-dire à la faculté de déléguer différents pouvoirs à différentes personnes.
Il faut cependant que les pouvoirs soient nettement distingués, afin qu'il n'y ait pas de confusion
entre les missions des différents délégataires. Ainsi, si les délégations rédigées en des mêmes
termes s'excluent mutuellement, il peut en être de même lorsqu'elles sont rédigées en des
termes similaires, engendrant une confusion sur la délimitation des missions de chaque
délégataire25
.
En l'espèce, s'agissant desmissionsderessourceshumainesau sein del'établissement en cause,
Marc Monet a délégué des pouvoirs différents au directeur et à la directrice adjointe. Si ces
missions sont en lien l'une et l'autre, elles sont bien différentes. En particulier, en ce qui concerne
l'établissement des bulletins de paie mentionnant un nombre d'heures erroné, il ne semble pas y
avoir de doutes : cette mission incombait à la directrice adjointe, Manon Prime, chargée de la rémunération,
et non pas au directeur Jean Chaire, chargé d'établir le planning et les heures de travail. Il
y a donc bien plusieurs délégations, mais qui ne se recoupent pas et qui concernent des pouvoirs
distincts. De la sorte, les différentes délégations de pouvoirs sont valables et la subdélégation à la
directrice adjointe est susceptible d'exonérer Marc Monet de sa responsabilité à condition qu'elle
soit valable.
B. La validité de la subdélégation de pouvoirs
Marc Monet a délégué certains de ses pouvoirs concernant les salariés de l'établissement àladirectrice
adjointe, Manon Prime. Il faut s'interroger sur la possibilité d'une telle subdélégation, au travers
des questions de la validité de l'acte de subdélégation (1) et de la qualité de la délégataire (2).
1. La validité de l'acte de subdélégation
Si la chambrecriminelles'oppose à la codélégation, elle ne s'oppose pas à la subdélégation, dès
lors qu'elle répond aux mêmes conditions que la délégation elle-même26
. Encore faut-il se demander
si la directrice du marketing avait le pouvoir d'y procéder, en l'absence d'autorisation du chef
d'entreprise. La chambre criminelle a estimé que le délégataire pouvait, à son tour, déléguer tout
ou partie de ses pouvoirs sans qu'il soit nécessaire que le chef d'entreprise, primo-délégant, ait
24. Cass. crim., 19mars 1996, nº 94-84854 ; Cass. crim., 27 oct. 2009, nº 08-86995, RSC 2010,435, obs.A. CERF-HOLLENDER.
25. V. par ex. Cass. crim., 23janv. 1997, nº 95-85788, où un délégataire avait pour mission de veiller au bon entretien et aux contrôles périodiques
des machines dangereuses dont la presse qui a causé l'accident et un autre de veiller à la sécurité de l'atelier où a eu lieu l'accident et à la
bonne tenue des cahiers de contrôle de presse. Il s'est agi pour la Cour de cassation de la délégation d'un même travail, rendant inefficaces
les délégations ; v. aussi Cass. crim., 30 mars 2016, nº 14-87511.
26. Cass. crim., 8 févr. 1983, nº 82-92364, Bull. crim., nº 48, D. 1984, IR, 172, obs. REINHARD ; Cass. crim., 10 avr. 2018, nº 14-85520.
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