Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 364

DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
incompatible avec l'article 6 de la CEDH, l'absence de communication de l'ensemble des pièces
du dossier, à ce stade de la procédure »qui « n'est pas de nature à priver la personne d'un
droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l'accès à ces pièces est garanti
devant les juridictions d'instruction et de jugement ». La même solution est encore rappelée le
6novembre 201312
, en des termes presque identiques.
Dans cette décision du 9 avril 2015, la chambre criminelle ne fait donc que rappeler une jurisprudence
bien établie et l'expiration du délai de transposition de la directive du 22 mai 2012 ne
change rien à cette solution, puisque l'article 7 n'impose pas un accès au dossier dès la garde à
vue13
.
L'accès au dossier n'est pas exigé, mais ne pourrait-il pas pour autant être prévu ? L'obstacle
invoquéest connu : la gardeà vueayant souvent lieu trèstôt lors de la phased'enquête, parfois
immédiatement après les faits, il n'y a souvent pas encore de dossier à proprement parler, si ce
n'est les quelques pièces que l'avocat peut déjà consulter, en vertu de l'article 63-4-1 du Code de
procédure pénale.
Cela étant, le droit pénal des affaires se distingue des infractions de droit commun, particulièrement
des infractions routières qui représentent une part importante de l'activité des juridictions
et des services de police et de gendarmerie. S'agissant des infractions d'affaires, la garde à vue a
souvent lieu à un stade beaucoup plus tardif, bien après les faits, après la réalisation de nombreux
actes d'enquête qui ont permis de découvrir et de confirmer l'existencedesoupçons relatifsà de
telles infractions. Dès lors, pour de tels faits, l'argument tenant à l'inexistence du dossier semble
inopérant.
Ces considérations expliquent sans doute la position adoptée en 2014 par la commission présidée
par Monsieur le Procureur général Jacques Beaume. Cette commission proposait que la personne
qui fait l'objet d'une audition puisse se voir communiquer, au fur et à mesure de l'audition, les
pièces du dossier, en l'état de rédaction et de mise en forme, qui sont utilisées au cours de l'audition
et qui sont nécessaires à l'exercice des droits de la défense14
. Dans le cadre des Chantiers de
la justice, le rapport consacré à l'amélioration et à la simplification de la procédure pénale préconise
à nouveau « un accès amélioré au dossier pour la défense, dès lors que la procédure atteindrait
un stade de mise en cause formalisée : audition libre et placement en garde à vue », avant
d'ajouter que si « certains le voudraient total et entier, un compromis pourrait sans doute se
trouver par la communication des pièces invoquées à l'encontre de la personne auditionnée
assortie du droit de demander des actes »15
.
Ces propositions n'ont pas trouvé un écho favorable, mais on peut tout de même noter une évolution
avec l'introduction d'une certaine dose de contradictoire lors de l'enquête. En effet, l'article 77-2
du Code de procédure pénale permet à « toute personne contre laquelle il existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction
punie d'une peine privative de liberté et qui a fait l'objet d'un des actes prévus aux articles
61-1 et 62-2 » de demander, un an après l'accomplissement du premier de ces actes, au procureur
de la République, « de consulter le dossier de la procédure afin de formuler ses
12. Cass. crim., 6 nov. 2013, nº 13-84320.
13. Sur ce point, Cass. crim., 4 oct. 2016, nº 16-82309, où la Cour indique que « l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale constitue une transposition
complète de l'article 7 de la directive ».
14. Rapport sur la procédure pénale, remis au garde des Sceaux, 2014, p. 57 et s.
15. Ministère de la Justice, Amélioration et simplification de la procédure pénale, par J. BEAUME et F. NATALI, 2018, p. 16.
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