Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 45

La spécificité du droit pénal des affaires au regard du droit pénal général
morale en sa qualité d'employeur ou de propriétaire. On mentionnait enfin l'exemple de législations
étrangères, ayant ouvert la voie vers une responsabilité pénale des personnes morales (États-Unis,
Grande-Bretagne, Pays-Bas...).
55 Esprit de la réforme. L'admission de la responsabilité pénale des personnes morales a pour
objectif premier la reconnaissance d'une réalité criminologique : les personnes morales peuvent en
effet commettre des infractions et en tirer profit. Du reste, il arrive souvent que les décisions à l'origine
des infractions soient le fait des organes de la personne morale, davantage que celui de son dirigeant
considéré isolément. Ainsi, c'est certainement à cause d'un certain développement de la criminalité
d'affaires que les rédacteurs du premier projet de Code pénal en 1974 ont estimé utile d'envisager la
responsabilité pénale des personnes morales19
. Ce faisant, la réforme est ainsi pragmatique. Elle est
aussi dictée par le souci - équitable - de limiter la responsabilité pénale des personnes physiques (dirigeants).
La loi du 10juillet 2000 poursuit nettement cet objectif, en se contentant pour les personnes
morales en cas de causalité indirecte d'une faute simple, alors que pour les personnes physiques il est
exigé une faute qualifiée. De façon générale, la responsabilité pénale des personnes morales présente
deux grandes caractéristiques. Il s'agit d'une responsabilité pénale personnelle, conformément à
l'article 121-1 du Code pénal. Mais, sans contradiction, cette responsabilité est indirecte. Elle suppose en
effet qu'une personne physique ait commis le fait (infractionnel) qui lui sera imputé.
I. Le domainedela responsabilitépénaledes personnes morales
56 Les personnes morales concernées. Le principe, posé par l'article 121-2 du Code pénal, est que
toutes les personnes morales sont responsables pénalement. La condition essentielle est, de ce point
de vue, que le groupement ait la personnalité morale. Ainsi, une personne morale en cours de formation
n'est pas responsable (société créée de fait), faute d'existence. La question de l'incidence de la dissolution
de la personne morale sur la responsabilité pénale est plus délicate. Lorsqu'une personne morale
en absorbe un autre (absorption) ou lorsque deux personnes morales fusionnent pour donner naissance
à une troisième (fusion), la société restante peut-elle être jugée pénalement responsable des
faits commis par la personne morale disparue ? La chambre criminelle de la Cour de cassation a tout
d'abord répondu par la négative, en appliquant l'article 121-1 du Code pénal, qui affirme que « nul n'est
pénalement responsable que de son propre fait »20
.L'idée était clairement que l'opération de fusion ou
d'absorption entraîne la dissolution de la société ayant commis l'infraction (comme le décès d'une
personne physique), de sorte que l'infraction commise sous l'empire de la première société ne donne
pas lieu à la responsabilité pénale de la société restante. Une décision de la Cour de justice de l'Union
européenne du 5mars 201521
absorption [...] entraîne la transmission à la société absorbante de l'obligation de payer une
amende infligée par décision définitive après cette fusion pour des infractions au droit du travail
commises par la société absorbée avant ladite fusion » (§ 35). Cette décision de la CJUE rejoignait une
avait adopté une position différente, en affirmant que «une fusion par
19. B. BOULOC, « Le droit pénal général en matière d'affaires », RPDP 2002,p. 17 et s.(spé. p. 23).
20. Cass. crim., 20juin 2000, Bull. crim. 2000, nº 237 ; Cass. crim., 14 oct. 2003, D. 2003, IR, p. 2869.
21. CJUE, 5mars 2015, C. 343/13, Modelo Continente Hypermercados SA.
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