Cours - Droit pénal des affaires - 3e - 80

DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
s'attache pas au respect des notions du droit civil, et une chose pouvant être détachée d'un immeuble
peut faire l'objet d'un vol. C'est le cas, par exemple, de pierres détachées du sol ou d'un mur7
.
109 Chose appartenant à autrui. Commeledit l'article 311-1 du Code pénal, le vol porte nécessairement
sur la chose d'autrui. Cette exigence n'est pas aussi simple qu'elle y paraît, et a donné lieu à une jurisprudence
abondante. S'il ne fait aucun doute que ne commet aucun vol celui qui soustrait sa propre
chose, quand bien même il croirait que celle-ci appartient à un tiers, d'autres situations s'avèrent plus
délicates. Il en est ainsi de la détention de biens meubles indivis. Il a en effet été jugé qu'un indivisaire
commet un vol lorsqu'il appréhende, sans le consentement des autres indivisaires, la chose détenue en
indivision8
. En revanche, les choses abandonnées (res derelictae)nepeuvent fairel'objet de vol, si elles
sont définitivement et véritablement abandonnées ; mais la jurisprudence se montre ici exigeante, et la
chambre criminelle a considéré que le délit de vol pouvait être retenu à propos de la soustraction par
un salarié d'une lettre déchirée et jetée par son employeur dans sa poubelle9
.Dans une perspective
similaire, la jurisprudence a précisé que des documents représentant des projets et des contreprojets
établis par un employé pour le compte de son patron sont la propriété de ce dernier et constituent
des objets mobiliers susceptibles d'appréhension frauduleuse10
, et il en va demêmedes fichiers
de clients réels ou potentiels constitués par des démarcheurs et autres commerciaux dès lors qu'ils
ont le statut de salarié11
.
. Une nuance doit être apportée aux cas de récupération des marchandises
, ce qui va dans le sens de la loi du 11 février 2016 relative à la lutte
jetées par les supermarchés qui ne doivent plus être considérées comme appartenant à autrui
et sont donc insusceptibles de vol12
contre le gaspillage alimentaire13
Cela étant, la jurisprudence rappelle qu'il importe peu que le véritable propriétaire de la chose soit
connu, ni même que la chose frauduleusement soustraite appartienne à une personne déterminée.
II. La matérialité du vol
110 Soustraction. Le vol se consomme par une soustraction d'une chose appartenant à autrui. La
notion de soustraction de la chose mérite d'être précisée. Il va de soi que le vol est, comme en
atteste sa localisation dans le Code pénal, une atteinte aux biens. Mais la soustraction est davantage
une interversion de la possession qu'une atteinte à la propriété. C'est pourquoi le vol est considéré
comme établi lorsque la chose a été prise de façon temporaire, et restituée ensuite, dès lors que
l'« emprunteur » a eu, même momentanément, l'intention de se comporter en propriétaire. Ainsi, se
rend coupable de vol un préposé qui, détenant matériellement certains documents appartenant à son
employeur, en prend, à des fins personnelles, à l'insu et contre le gré du propriétaire, des photocopies,
et appréhende frauduleusement ces documents, pendant le temps nécessaire à leur reproduction14
7. Cass. crim., 27 avr. 1866, DP 1866, 1, p. 288.
8. Cass. crim., 12 mai 2015, nº 13-87668 P : Dalloz actualité, 29mai 2015, obs. BENELLI de BÉNAZÉ ; AJ pénal 2015.369,obs. BEAUSSONIE ; Dr. pénal 2015,
nº 96, obs. VÉRON.
9. Cass. crim., 10mai 2005, Bull. crim.,nº 145.
10. Cass. crim., 23 déc. 1957, Bull. crim.,nº 880.
11. CA Grenoble, 15 févr. 1995, RSC 1996,p. 659,note OTTENHOF.
12. Cass. crim., 15 déc. 2015, nº 14-84096 P : Dalloz actualité COLLOT ; D. 2016, p. 644, note G. BEAUSSONIE.
13. Loi nº 2016-138 du 11 févr. 2016, JORF du 12 févr. 2016. Cette loi introduit un nouvel article L. 541-1-15 au Code de l'environnement lequel interdit
au distributeur du secteur alimentaire de rendre impropre à la consommation leurs marchandises encore consommables et organise le don en
faveur d'associations caritatives habilitées.
14. Cass. crim., 8janv. 1979, Bull. crim.,nº 13.
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