Précis Domat - Droit comparé - 1re - 139

LES CLASSIFICATIONS DES DROITS
dominant ; ce qui aurait permis, en cette période de Guerre froide, de hisser la
France au niveau des États-Unis et de l'ex-URSS234
. De leur côté, Zweigert et
. Il arrive, par ailleurs, que la
.
M. Kötz, en séparant la famille romaniste de la famille germanique, auraient
voulu replacer l'Allemagne et la France à égalité235
classification en grands systèmes soit un prétexte au chauvinisme : telle notion ou
telle institution est disqualifiée non pas après l'examen attentif de ses inconvénients,
mais au seul motif qu'elle appartient à une tradition juridique distincte236
. Par exemple, le
Àl'opposé, la classification peut servir la cause universaliste237
regroupement de l'ensemble des droits européens - droits anglais, irlandais et scandinaves
compris - au sein d'une seule et même tradition permet d'occulter les
divergences entre les droits internes et de présenter l'existence d'une « identité
commune », étape préalable vers l'unification, comme un fait objectif238
.
3. Une entreprise dépassée
166 Déclin. - En réponse à un certain nombre de critiques, les classifications les
plus récentes s'efforcent de prendre en considération la perméabilité entre les systèmes
juridiques (grâce, par exemple, à la fixation de points de repères en lieu et
place de la détermination d'ensembles rigides239
), la dimension culturelle des
traditions240
reconnaissance d'une famille de droits hybrides dits « mixtes »241
de modernisation242
des classifications universelles243
et la diversité marquée des origines de certains droits (à travers la
). Mais ces efforts
, aussi louables soient-ils, n'empêchent pas l'inexorable déclin
.
Ce déclin s'explique avant tout par la faible utilité des classifications mondiales.
Leur intérêt pédagogique est discutable. Il est certes exact qu'elles donnent un
cadre élémentaire à partir duquel des études comparatives plus poussées peuvent
être conduites244
. Mais ces présentations planétaires sont si générales qu'elles sont
■ 234. V. P. G. Monateri, « Éléments de comparaison des études comparatives », in P. Legrand, (dir.),
Comparer les droits, autrement, op. cit., p. 69, spéc. p. 94-95. Rappr. J. L. Esquirol, « René David: At the
Head of the Legal Family », op. cit., p. 225 et 235. Précisons que dans la préface à la première édition de
son ouvrage (Les grands systèmes de droit contemporains (droit comparé), op. cit.), David souligne l'importance
des États-Unis, de l'Union soviétique et de l'Europe, puis exprime le souhait de voir le droit
français « replacé » comme il se doit dans l'ensemble des systèmes de droit contemporains.
■ 235. V. P. G. Monateri, « Éléments de comparaison des études comparatives », op. cit., p. 95.
■ 236. V. pour une illustration, à propos de règles allemandes de procédure civile dont l'auteur avait antérieurement
montré l'intérêt qu'elles pourraient présenter aux États-Unis, J. H. Langbein, « Cultural Chauvinism
in Comparative Law », (1997) 5 Cardozo J. Int'l & Comp. L. 41.
■ 237. V. G. Frankenberg, Comparative Law as Critique, op. cit.,p. 49 et s.
■ 238. V. P. G. Monateri, « Methods in comparative law: an intellectual overview », in P. G. Monateri,
(ed), Methods of Comparative Law, Edward Elgar Publishing, 2012, p. 7, spéc. p. 10 et 18.
■ 239. Tel est l'apport de la classification élaborée par M. Mattei (V. supra nº 156, 158). Le revers de la
souplesse du procédé est la difficulté de déterminer à l'avance le passage d'un droit d'un pôle à l'autre.
■ 240. V. H. P. Glenn, Legal Traditions of the World, op. cit., passim.
■ 241. V. V. V. Palmer, Mixed Jurisdictions Worldwide. The Third Legal Family, op. cit., passim.
■ 242. Pour une incitation en ce sens, V. E. Örücü, « Family Trees for Legal Systems: Towards a Contemporary
Approach », in M. Van Hoecke, (ed), Epistemology and Methodology ofComparative Law, op. cit.,
p. 359.
■ 243. V. cependant, pour un regain d'intérêt (mais non de pertinence), infra nº 253, 263 et s.
■ 244. V. par ex., W. Twining, Globalisation and Legal Theory, op. cit., p. 178-179.
Première partie : Les objets de la comparaisonjuridique
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