Précis Domat - Droit comparé - 1re - 541

LA PLACE DE LA FINALITÉ COGNITIVE
§2. LA DIVERSITÉ DES FINALITÉS
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Sous des dénominations variables, plusieurs finalités sont attribuées
à la comparaison juridique. Parmi celles-ci, la finalité cognitive bénéficie
d'une sorte de primauté en ce sens que son existence est inéluctable et sa légitimité
àl'abri de tout soupçon. Mais une divergence de vues apparaît entre ceux qui
considèrent que la finalité cognitive peut se suffire à elle-même et ceux qui la tiennent
pour insuffisante.
640 Caractère suffisant de la finalité cognitive. - Une comparaison peut être
effectuée à des fins pratiques ou politiques29
, par exemple, pour tenter de modifier
une jurisprudence, pour tenter de favoriser les relations commerciales entre plusieurs
pays, pour préserver la diversité des droits ou, au contraire, pour en faciliter
le rapprochement. Ces objectifs peuvent sembler souhaitables aux uns ou aux
autres. Mais quelle que soit l'importance ou l'opportunité qu'on veut bien leur
reconnaître, ils demeurent contingents. C'est la différence avec la quête de connaissance
et de compréhension qui, elle, est essentielle et se suffit à elle-même. Cette
quête confère en effet à la comparaison sa raison d'être « et cela même dans le cas
où une telle entreprise ne présenterait pas d'intérêt pratique particulier »30
. Cette
dernière observation doit être soulignée. De même que la « science a mesuré la
distance entre la terre et la lune bien avant que cette donnée soit utilisée dans la
pratique »31
écrit Sacco, la comparaison en droit peut être menée au seul service
. Ces dernières sont accidentelles : elles peuvent être présentes
de la connaissance indépendamment de toute ambition normative ou de toute application
pratique32
(auquel cas elles coexistent avec la finalité cognitive avec laquelle elles sont compatibles)
ou absentes. Et s'il s'avère que la comparaison est effectuée au service
d'une politique juridique, elle n'en fixe pas par nature l'orientation. C'est ainsi,
par exemple, que la comparaison peut tout aussi bien être utilisée en faveur qu'en
défaveur d'une harmonisation des droits33
.
641 Caractère insuffisant de la finalité cognitive. - Tout en reconnaissant la
valeur et l'apport de la finalité cognitive, certains auteurs considèrent qu'elle ne
représente qu'une étape vers la réalisation d'autres buts. L'approfondissement de
■ 29. Sur la « politisation de l'argument comparatif », V. L. Heckendorn Urscheler, « La comparaison
juridique au XXIe
(dir.), Comparaison et modernisation du droit à l'aube du XXIe siècle. Les 250 ans de la loi portugaise
de la raison saine et la fonction modernisatrice du droit comparé, préf. N. Cornu Thénard, SLC, 2021,
p. 119, spéc. p. 125 et s.
■ 30. E. Picard, « L'état du droit comparé en France, en 1999 », op. cit., p. 908.
■ 31. R. Sacco, « Épilogue », in L'avenir du droit comparé, SLC, 2000, p. 337, spéc., p. 343. V. égal., du
même auteur, La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, op. cit.,p. 5.
■ 32. V. égal., J. Carbonnier, « L'apport du droit comparé à la sociologie juridique », in Livre du centenaire
de la société de législation comparée, vol. 1, LGDJ, 1969, p. 75, spéc. p. 77, qui observe que le droit
comparé peut « se limiter à des fins scientifiques, purement spéculatives : analyser les droits étrangers, les
classer en systèmes, induire de là des lois de structure », tout en ajoutant qu'enfait, « manié par des juristes,
pragmatici,il s'est, dès le principe, laisser attirer par des fins pratiques » ; C. Haguenau-Moizard, Introduction
au droit comparé, op. cit., p. 7 ; U. Kischel, Comparative Law, op. cit., p. 46.
■ 33. Sur la comparaison au service de l'uniformisation des droits, V. infra nº 681 et s.
Troisième partie : Les finalités de la comparaisonjuridique
541
siècle au service de la modernisation du droit », in C. Lima Marques, G. Cerqueira,
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