Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 150

142

LA PROTECTION DES LANGUES MINORITAIRES
ET RÉGIONALES EN ITALIE

La définition liée à l'histoire est aussi cohérente avec la Charte européenne, qui fait référence aux langues « pratiquées traditionnellement sur
un territoire d'un État par des ressortissants de cet État ».
Jusqu'ici, la loi de 1999 paraît bien dans la ligne de la Charte européenne, ce qui pourrait démontrer un exercice proportionné du pouvoir
d'appréciation discrétionnaire que l'article 6 de la Constitution confie au
législateur. Les problèmes arrivent lorsque la loi, à l'article 2, dresse une
liste des langues (et des cultures) « des populations albanaises, catalanes,
germaniques, grecques, slovènes et croates et de celles parlant le français,
le franco-provençal, le frioulan, le ladin, l'occitan et le sarde ».
Les critiques envers cette liste ont été très nombreuses. D'abord, la
distinction qui y est faite entre les populations identifiées en tant que telles
et celles qui sont identifiées uniquement en raison de la langue parlée pourrait se prêter à une distinction entre minorités « ethniques » et minorités
« linguistiques ». Une telle distinction ne trouve aucun fondement constitutionnel. On ne saurait donc en donner une justification, d'autant plus
qu'en analysant les minorités insérées dans la liste, aucun critère sociologique ou linguistique ne pourrait être utilisé pour confirmer la validité de
la distinction. Il s'agit, toutefois, d'un problème purement théorique, car
dans la loi les deux catégories de minorités sont traitées de manière tout à
fait identique.
Une deuxième critique a trait aux choix opérés des langues à protéger.
Les langues qui figurent dans la liste sont très hétérogènes quant à leurs
statuts : si la plupart sont des langues codifiées, il n'en est pas ainsi pour
toutes. En outre, aucune distinction n'est faite entre langues minoritaires
et langues régionales : les frioulan et le sarde, par exemple, sont des langues
cible dans leurs régions respectives, et donc leur protection ne devrait peutêtre pas passer par les mêmes voies que celles des langues qui sont parlées
par une minorité au sein d'un territoire. Encore, la référence très générale aux « populations germaniques » ne tient pas compte du fait que les
populations parlant des langues germaniques sont très diverses, du fait de
leurs traditions et territoires, en allant des germanophones en Haut-Adige,
qui sont la majorité de la population de la province, jusqu'aux minorités
germanophones dispersées en Vallée d'Aoste, au Piémont, en Vénétie et
au Frioul, ainsi que dans la province de Trente.
La troisième critique est, toutefois, encore plus délicate. La liste étant
exhaustive, seules les langues qui y sont incluses jouissent de la protection
offerte par le législateur. Il en résulte que des « langues historiques » qui
n'ont pas été reconnues connaissent une discrimination évidente. À ce sujet,
la minorité tzigane, qui avait été insérée dans le projet de loi, mais qui a
été ensuite éliminée pour des raisons éminemment politiques (notamment
Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe

Table des matières de la publication Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe
