Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 182

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L'OCCITAN À L'ÉCOLE

le régionalisme est à l'honneur - comme à la période précédente au demeurant. Le Maréchal signe même en septembre 1940 un message à la gloire
de Mistral, sans juger bon cela dit d'évoquer la langue du poète. Mais dans
l'immédiat, rien ne se passe. Il faut attendre décembre 1941 pour qu'un
arrêté du ministre de l'Éducation nationale Carcopino autorise la tenue de
cours de basque, breton, flamand et « provençal », facultatifs, en dehors des
heures de cours, et pour une heure et demie par semaine maximum : rien
de trop, d'autant plus qu'il faut attendre six mois pour qu'un autre arrêté
sanctionne le fait qu'il n'est peut-être pas absurde que ces enseignements
soient rémunérés, mais c'est déjà beaucoup par rapport à ce qui existait,
si l'on peut dire, auparavant. On note toutefois que la presse française,
hormis L'Action française, est très critique face à cette entrée des « patois »
dans le sanctuaire d'une école qui, pour n'être plus vraiment républicaine,
n'en a pas moins des traditions à respecter. Et cette mesure ne semble pas
avoir suscité un nombre important de vocations du côté des instituteurs.
Du coup, l'enthousiasme des félibres pour le régime faiblit nettement10.
De toute façon, la Libération, en mettant fin au régime de Vichy, met
simultanément fin à cette première porte entrouverte. On pourrait la croire
définitivement refermée, or il n'en est rien11. Dès 1947, des députés du
Parti communiste, déposent une « proposition de résolution » en faveur
de l'enseignement du breton, et l'année suivante, ce sont bel et bien deux
propositions de loi qui suivent, l'une pour le breton déposée par le MRP,
l'autre pour le catalan déposée par le PCF : deux des grands partis « issus
de la résistance », donc. La guerre froide commençant à peu près à la même
époque, on ne s'étonne pas de voir que le troisième, la SFIO, s'oppose
d'emblée : elle réussit à faire nommer comme rapporteur sur ces propositions le socialiste Maurice Deixonne, qui des années plus tard exprimait
encore la méfiance que lui avait inspirée cette étrange alliance du Vatican et
de Moscou. C'est pourtant lui qui va parvenir à faire voter en janvier 1951
la loi qui porte son nom, et qui est restée jusqu'au début des années 2000
la seule loi explicitement consacrée à l'enseignement des « langues locales ».
Il a dû pour cela surmonter, outre ses propres réticences initiales, l'opposition d'une bonne partie de ses amis politiques, du Syndicat national des
instituteurs (plus ou moins lié au demeurant aux précédents), sans oublier
la presse nationale où se déchaînent aussi bien l'académicien Duhamel, dans
Le Figaro, que le linguiste Dauzat dans Le Monde. Mais ces oppositions
n'ont naturellement pas le poids de celle de l'appareil même de l'Éducation
nationale, et de son Conseil supérieur. Cet appareil néglige les grandes

10. Sur cette période, la référence est désormais Y. Lespoux, op. cit., p. 21-79.
11. Ibidem, p. 143-201.

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