Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 211

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de culture. À l'époque, le droit coutumier était en train de s'écrire au sein
des royaumes péninsulaires en formation, en Castille, dans la principauté
catalane, mais également en Navarre et dans les autres régions forales.
Quand le moment de codifier le droit de nouveaux royaumes est arrivé,
en dépit d'être la langue principalement parlée par la majeure partie de la
population de tous les territoires pendant l'étape forale (xve au xviiie-xixe),
l'euskara n'a pas été utilisé pour l'écriture des Fores. Aucun des six territoires historiques basques n'a pris le Basque comme langue officielle de
codification de son droit, pas plus que l'administration ou le gouvernement.
La Cour s'exprimait aussi en roman, malgré les nombreux témoignages
recueillis en basque.
Même avant la conquête, dans l'ensemble de la Navarre, c'est-à-dire dans
le périmètre territorial de la Haute et la Basse-Navarre, le roman-navarrais,
le gascon et le béarnais constituaient des réalités bien établies. Les médiateurs du droit, comme les notaires ou les écrivains qui parlaient plusieurs
langues en plus du basque, choisissaient toujours d'écrire les textes officiels en langue romane. Cependant, l'utilisation de la langue basque orale,
comme langue juridique, notamment dans les tribunaux, constituait une
autre réalité, comme l'attestent les nombreux documents recueillis dans des
procédures par voie orale du xvie siècle, dans lesquels les « escribanos » et
les « receptores » ramassaient le témoignage dans cette langue9. De fait,
de nombreuses études démontrent que jusqu'au xvie siècle, la moitié des
Navarrais furent monolingues basques. Dans ce contexte, comment une
administration civile qui écrivait tout en roman a-t-elle fait face à la situation ? De nombreuses procédures judiciaires conservées permettent de voir
que, pour s'adapter à la situation, le royaume a mis en place une administration totalement bilingue10. Cela était en germe sans doute depuis bien
longtemps. Les « personnels fonctionnaires » (notaires, secrétaires, etc.)
devaient comprendre le basque par mandat légal11. Ils étaient les rouages
de cette immense machine de traduction qui est devenue pendant des siècles
l'administration de la Navarre.
Le royaume de Castille autour duquel orbitent Araba, Bizkaia et
Gipuzkoa à partir de 1212, tout en conservant leur propre identité territoriale, s'exprimait également en roman. Par le biais de l'écriture de Fores,
la jurisprudence et les actes notariés, un lexique spécialisé va se naître et
9. J. M. jimeno jurío, Navarra. Historia del Euskera, Tafalla, Txalaparta, 1997.
10. Peio J. monteano, El iceberg navarro. Euskera y castellano en la Navarra del
siglo XVI, Iruña/Pamplona, Pamiela, 2017.
11. R. jimeno aranguren, "El Consejo Real de Navarra y el euskera, a la luz de un
proceso de mediados del siglo xvii", J. Madariaga, A. Adot, El euskera en las altas
instituciones de gobierno. Euskara gobernuko goi erakundeetan historian zehar. Iruña/
Pamplona, Pamiela, 2014, p. 58-82.

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