Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 222

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LA CHARTE EUROPÉENNE DES LANGUES RÉGIONALES
OU MINORITAIRES

La question qui ressort de ces épisodes politico-juridiques est celle
de l'identification de limite(s) constitutionnelle(s) « objectives » qui
s'oppose(nt) à la ratification de la Charte européenne et que le juge constitutionnel ne ferait que rappeler dans sa décision de 1999. Existe-t-il des
limites constitutionnelles absolues - des clauses d'éternité (pour utiliser le
vocabulaire du droit constitutionnel allemand) - qui viendraient sanctuariser l'usage du français14 ?
La notion de « limites constitutionnelles » est très présente dans le
discours des adversaires politiques de la ratification de la Charte. Au cours
des débats parlementaires du mois d'octobre 2015, la majorité sénatoriale
s'appuie sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1999 (dans
une montée en généralité de la solution d'espèce). Le rapporteur du texte,
Philippe Bas, proclame, lors du passage du texte en commission des lois, le
14 octobre 2015 : « La ratification de la Charte revêt une difficulté fondamentale dans la mesure où elle créerait une contradiction avec les principes
constitutionnels les plus essentiels, qui sont au fondement de ce qu'est la
République française15. » Dans le même sens, Bruno Retailleau, au nom du
groupe majoritaire, explique en séance plénière le 27 octobre 2015 que la
Charte « contredit des principes qui sont loin d'être négligeables, à savoir
l'unicité du peuple français et l'indivisibilité de la République : le cœur du
pacte républicain16 ».
Il n'est pas certain que ces « limites » (ou « principes », les deux termes
étant synonymes pour les locuteurs) en soient vraiment - tout au moins en
droit. Le discours parlementaire sur la Constitution produit en effet une
distorsion des principes et des règles du droit positif. Deux points principaux seront discutés : l'existence de limites constitutionnelles au pouvoir
de révision (I) ; la soumission du pouvoir de révision à ces limites (II).

I - L'EXISTENCE DE LIMITES CONSTITUTIONNELLES
AU POUVOIR DE RÉVISION ?
Il est fréquent d'observer l'utilisation d'un vocabulaire emprunté au
registre des principes supraconstitutionnels ou paraconstitutionnels lorsqu'il
s'agit de valoriser des symboles républicains, des normes à caractère
14. Sur ce thème, voir J.-P. Derosier, « Enquête sur la limite constitutionnelle : du concept
à la notion », RFDC, n° 76, 2008, p. 785.
15. P. Bas, Rapport n° 52 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles [...]
sur le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires, présidence du Sénat, 14 octobre 2015, p. 47.
16. JO Sénat, Séance du 27 octobre 2015 précitée, p. 9965.

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