Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 243

ROMAIN COLONNA

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réaffirmant dans deux paragraphes sur six que contient le préambule. Et
en laissant par exemple aux États le soin d'identifier les LRM. On peut en
déduire que cette question relève moins de considérations linguistiques
que politiques (Carli, 2004).
En plus des précautions énoncées dans le préambule, il semble improbable de passer outre l'une des phrases clés de la Charte au prétexte que
celle-ci n'a pas de valeur normative, comme le suggère G. Carcassonne.
Pour que le texte ait une quelconque envergure, encore faut-il en appliquer
la lettre et l'esprit. Mais l'esprit de la Charte est-il véritablement de reconnaître un droit « imprescriptible » de pratiquer une langue minoritaire ?
À la lecture du reste de la convention, outre son préambule, la réponse
est négative. La question du droit n'est pas soulevée et n'apparaît jamais
explicitement, ni dans les dispositions générales, ni dans la partie relative
aux objectifs et principes, ni dans les mesures en faveur de l'emploi des
langues. Un analyste de la convention, François Grin, invite même à ne pas
l'interpréter selon une approche « légale » et « normative », il suggère que le
concept de « droit » n'est pas central dans la Charte (Grin, 2003 : 32). Les
auteurs de la convention parleront plus volontiers de « respect », de « facilitation », d'« encouragement » ou de « promotion ». Or, la notion de droit
est pourtant fondamentale dans une éventuelle politique de normalisation
ambitieuse pour assurer la conservation et la transmission.

B. Une application à la carte
Si la philosophie générale du texte est ambiguë, l'application de la
convention l'est tout autant, sinon plus. Le principe de la ratification de la
Charte est en effet d'une extrême souplesse : il offre la possibilité aux pays
concernés de n'appliquer qu'un minimum de 35 paragraphes ou alinéas
sur les 98 que comporte le texte. Ce mode de fonctionnement « à la carte »,
pourrait-on dire, laisse une grande latitude aux États signataires. Par conséquent, un pays peut appliquer la convention a minima alors qu'un autre
État membre contractant s'engagera sur le double, ou plus, de mesures.
De même, pour chaque paragraphe, tout un dispositif allant des actions
les plus contraignantes aux moins obligataires pour les États, est proposé.
Pour l'instrument de ratification, l'une équivaut à l'autre pourtant. Par
exemple, au sujet des médias, on pourra « encourager et/ou faciliter la publication d'articles de presse dans les langues régionales ou minoritaires, de
façon régulière » et/ou « assurer la création d'au moins une station de radio
et une chaîne de télévision dans les langues régionales ou minoritaires ». Les
deux actions ne sont pas comparables en termes de moyens, de financement
et de normalisation linguistique, pourtant, elles sont équivalentes d'un

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