Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 246

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LES LANGUES MINORÉES ET L'EUROPE

remarques s'imposent. Tout d'abord, outre le fait que la France ait émis de
nombreuses réserves22 comme le lui permet le paragraphe 1 de l'article 21
de la Charte, le gouvernement ne propose à la ratification que 39 paragraphes et alinéas, « certains ou tous » des 39 précise-t-il. Soit à peine le
tiers, conformément au seuil minimal évoqué ci-dessus. Maintes fois, les
articles retenus sont les derniers de la série, autrement dit les moins entreprenants, ceux qui n'engagent pas de dynamique et d'efforts particuliers
pour les contractants. Toutes les mesures astreignantes pour l'État sont
occultées.
Pour la partie « justice » qui a fait couler tellement d'encre, le gouvernement Jospin ne retient que le troisième paragraphe de la Charte, celui qui
porte le moins à conséquence de la liste : « Les Parties s'engagent à rendre
accessibles, dans les langues régionales ou minoritaires, les textes législatifs
nationaux les plus importants et ceux qui concernent particulièrement les
utilisateurs de ces langues, à moins que ces textes ne soient déjà disponibles autrement. » De plus, l'ambiguïté de la formulation déjà évoquée
ci-dessus permet de ne pas froisser les susceptibilités stato-nationales. La
même remarque s'applique à l'article intitulé « Autorités administratives
et services publics » et à l'ensemble du document plus globalement. En
d'autres termes, dès que la Charte tente de pénétrer un peu trop dans les
domaines de la res publica, la France y oppose les dogmes infrangibles et
limite a minima la portée juridique du texte.
Au niveau de l'enseignement (art. 8), la France a retenu les articles
suivants : « e. i : à prévoir un enseignement universitaire et d'autres formes
d'enseignement supérieur dans les langues régionales ou minoritaires ;
ii : à prévoir l'étude de ces langues, comme disciplines de l'enseignement
universitaire et supérieur. »
À la lumière de l'examen, la Charte apparaît non pas comme une
avancée significative mais comme un texte sans dynamique particulière
dans le cas français, de par sa grande adaptabilité et son flou juridique23.
Ajoutons enfin que la France applique déjà la plupart des articles qu'elle

la présidentielle François Hollande s'était engagé dans son programme à faire ratifier la
Charte. Après avoir été élu, il a ainsi déposé un projet de loi constitutionnelle autorisant
la ratification de la Charte, rejeté le 27 octobre 2015 par les sénateurs, ce qui mit fin une
nouvelle fois au processus de ratification. Cependant, nous pouvons retenir que dans le
projet de loi figurait la référence explicite à l'instrument de signature de 1999.
22. Consultables en ligne sur le site du Conseil de l'Europe dédié à la Charte.
23. Afin d'encourager sa ratification auprès du Premier ministre, Guy Carcassonne relativise la portée sur le domaine public du texte en ces termes : « Il n'y a donc guère raison de
se montrer plus exigeant que le texte lui-même. Pas davantage qu'on ne saurait être plus
royaliste que le Roi, l'on ne devrait se montrer plus conventionnel que la convention »
(Carcassonne, 1998 : § 125).

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