Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 25

CHRISTIAN LAGARDE

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un coup d'arrêt pour celui, plus inclusif, de "langues de France". En fait, la
question linguistique en France divise et finit par dégager le consensus mou
dont le texte de l'article 75-1 est le reflet, ancré sur la patrimonialisation,
gage au mieux d'une conservation et non d'une véritable revitalisation. En
témoigne le dernier débat parlementaire en date à ce sujet (auquel les Corses
ne participaient pas30), autour de la Proposition de loi n° 4096, en date de
novembre-décembre 2016 et janvier 2017. Il illustre à la fois les incompétences, les positionnements antagoniques et leur indépassable récurrence
que j'analyse, dans un article sous presse de Treballs de Sociolingüística
Catalana comme le signe de « l'impuissance des langues régionales » face à
l'État-nation français. Seuls les contextes corse et néo-calédonien sont pour
l'heure inscrits dans une véritable dynamique. Encore faut-il voir laquelle...
En effet, la voie d'une approche rhizomique est aujourd'hui fortement
compromise ou hypothétique face aux options nationalistes et indépendantistes, dont l'Europe et le monde (États-Unis en tête) sont devenus friands.
Nous ne pouvons que constater que l'hégémonisme et les "exigences de
mêmeté" ont le vent en poupe. Et dans le cas où les "langues régionales"
maltraitées par les États, deviendraient nationales, on est en droit de se
demander quel traitement serait réservé aux autres langues présentes sur leur
territoire. Le cas catalan, avec la reconnaissance de l'officialité de l'occitan
aranais31, est à cette heure emblématique d'un comportement vertueux, mais
que se passerait-il à l'égard du castillan si la Catalogne parvenait aujourd'hui
à l'indépendance ? Albert Branchadell y avait réfléchi en 2001 dans son essai
La hipòtesi de la independència32, où il montrait que le respect des droits
des minorités serait paradoxalement susceptible de renforcer la position du
castillan. Qu'en serait-il dans le contexte actuel, d'extrême tension identitaire ? Celui-ci n'est-il pas révélateur de la double intrication, d'une part,
du linguistique et de l'identitaire ; d'autre part, du politique et du juridique,
qui vient, du fait des porosités, à n'en faire qu'un ? Parmi d'autres, le cas
catalan, avec le lien historiquement privilégié entre langue et nation, la ferme
volonté de dépasser la nation sans État (par le biais de l'indépendance),
l'instrumentalisation politique de la justice espagnole et le positionnement
à la fois frileux et autoprotecteur des États européens à son endroit, ne peut
que nous donner matière à réflexion et à débat.
30. Compte tenu des acquis obtenus à travers le Statut particulier de l'île découlant de la
Loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002, les élus corses ne se sentent pas concernés par ce débat.
31. Le Statut d'autonomie de la Catalogne 2006, actuellement en vigueur (et qui développe considérablement cet aspect par rapport au texte précédent de 1979), consacre au Val
d'Aran l'art. 11 du Statut préliminaire, l'art. 36 du Titre Premier, « Droits [linguistiques]
relatifs à l'aranais », l'art. 94 du Titre Deux, consacré au régime juridique propre, assorti
d'une Disposition additionnelle ; https://www.parlament.cat/document/cataleg/48089.
pdf - consulté le 8 juin 2018.
32. A. Branchadell, La hipòtesi de la independència, Barcelone, Empúries, 2001.

https://www.parlament.cat/document/cataleg/48089.pdf https://www.parlament.cat/document/cataleg/48089.pdf

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