Grands colloques - Les langues régionales et la construction de l'État en Europe - 254

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LES LANGUES MINORÉES ET L'EUROPE

dans ce contexte que beaucoup de ces langues en Europe ont aujourd'hui
disparu de la sphère sociale de la communication courante ou sont dans un
état de délabrement avancé ou encore à un stade affirmé de la minoration.
Aussi avons-nous eu l'ambition de mieux comprendre le rapport que
les institutions européennes entretenaient avec ces langes. Le bilan de cette
observation nous conduit à confirmer que l'Union européenne, malgré
plusieurs déclarations largement favorables à la diversité, n'a pas de réelle
politique à l'égard des langues minorées. Elle laisse les États membres seuls
décideurs et les langues non-étatiques demeurent dans une sorte d'impensé
européen. Le Conseil de l'Europe tente quant à lui de compenser cette
carence en articulant une grande partie de sa politique autour de l'emblématique Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Nous
avons tenté de pointer les limites de la convention européenne, son ambiguïté, voire dans le cadre français par exemple, la très faible portée que sa
ratification aurait en termes de politique linguistique, notamment à l'égard
d'une langue comme le corse.
Par la suite, nous avons tenté à travers trois documents de politique
linguistique à dimension internationale, européenne et territoriale, d'exposer quelques divergences conceptuelles dans l'approche normative
à l'égard des langues minorées et du droit des locuteurs. Cette mise en
miroir a permis de faire apparaître les traits saillants d'une éventuelle politique de reconnaissance des locuteurs. Chacun des trois documents, selon
une approche différente et selon un contexte institutionnel et politique
singulier, met en avant le droit des locuteurs, l'articulation entre communauté linguistique et pratique individuelle, et les obligations concernant
les pouvoirs publics tout en rappelant que les États mènent parfois des
politiques qui mettent en danger la pérennité de la diversité linguistique.
Ce qui ressort tout au long de notre observation et de cette confrontation entre l'échelon étatique, européen et les langues minorées, est cette
catégorisation et hiérarchisation continuelles entre d'une part les langues à
caractère officiel et reconnues par les États et d'autre part les langues non
officielles et non reconnues qui sont par conséquent globalement exclues
du droit et du champ de la reconnaissance. Le problème - et solidairement sa résolution - qui se pose aux États, à la France particulièrement, et
plus généralement à l'Europe, demeure invariablement le même : lorsque
l'on évoque les langues, fussent-elles minorées, il s'agit en fait, comme
toujours en matière langagière, de locuteurs, d'habitants, de citoyens. Le
droit étatique et le droit communautaire européen ne sauraient par conséquent les ignorer ad vitam æternam. De plus, cette ignorance ne peut être
l'un des fondements de la construction européenne, sauf à hypothéquer
la réussite même de l'Europe et à déconsidérer près de 40 millions de ses
citoyens pour reprendre le chiffre avancé par l'Europe elle-même.
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