Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 152 - La responsabilité de l'État du fait des lois déclarées contraires à la Constitution - 381

LE PRINCIPE CONSTITUTIONNEL DE RESPONSABILITÉ, UN FONDEMENT JURIDIQUE

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s'exprime partiellement dans les conclusions de certains rapporteurs publics alors
même que leurs écrits laissent à supposer que la distinction est connue67. En ce sens,
le commissaire du Gouvernement F. Gazier expliquait qu'« ici comme dans beaucoup d'autres domaines la faute n'est qu'un fondement très artificiel de la responsabilité administrative, instrument commode de technique juridique, mais traduisant mal la
réalité des choses »68. Toutefois, cet amalgame n'est pas propre à la responsabilité de
l'État du fait des lois. Effectivement, le Conseil d'État évoque tour à tour les fondements de faute69, du risque70 ou de la rupture d'égalité devant les charges publiques71.
En conséquence, pour appréhender clairement les solutions retenues par la jurisprudence la définition du fondement doit être précisée.
773. La confusion entre les conditions d'engagement de la responsabilité et le
fondement, entendu comme un principe ayant une plus grande généralité, est probablement due à l'absence d'étude portant sur les raisons justifiant que les irrégularités
commises par le législateur soient réparées. Le fondement de l'arrêt La Fleurette72 a
été étudié dans la mesure où il se rattache plus largement à l'égalité des citoyens devant
les charges publiques73 ou à la « responsabilité prix »74. Concernant la responsabilité
du fait des lois irrégulières, la doctrine s'est principalement, et presque exclusivement,
intéressée à l'existence d'une faute du législateur. En revanche, peu de développements
ont été consacrés à la détermination de la règle juridique générale suivant laquelle
l'État doit réparer les conséquences dommageables issues de l'inconstitutionnalité ou
de l'inconventionnalité d'une disposition législative75.
67. Dans ses conclusions sur l'arrêt Gardedieu, le commissaire du gouvernement L. Derepas retient
que « la contrariété avec le droit international qui est à l'origine du préjudice devait être recherchée dans
l'acte administratif d'application, sans qu'il soit nécessaire d'aller la quérir dans la loi qui en constitue le
fondement », à propos de l'arrêt Tobacco. Pourtant plus loin, il reprend les écrits de M. Laroque à propos
de l'arrêt La Fleurette et, à ce titre, envisage « le principe d'égalité devant les charges publiques [comme]
le fondement de l'ensemble de la responsabilité de la puissance publique, y compris de la responsabilité pour
illégalité fautive qui ne vise qu'à réparer l'inégalité de situation créée entre les victimes de la norme illégale
et les autres », voir DEREPAS  L., « La responsabilité du fait des lois en cas de méconnaissance des
engagements internationaux », concl. sur CE, Ass., 8 févr. 2007, Gardedieu, RFD adm., 2007, p. 361.
68. GAZIER F., concl. sur CE, 30 juil. 1949, Thibeau, Lebon p. 111.
69. CE, 24 mars 1989, Époux Delcoigne, n° 77163, Lebon p. 802.
70. CE, 30 avril 2003, Compagnie préservatrice foncières assurances, n° 212113, Lebon p. 986.
Sur le risque, voir BROYELLE C., « Le risque en droit administratif "classique" (fin du XIXe, milieu
du XXe siècle) », RD publ., n° 6, 2008, p. 1515.
71. CE, Ass., 8 fév. 2007, Gardedieu, n° 279522, Lebon p. 78, concl. L. Derepas.
72. CE, Ass., 14 janv. 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette », Lebon p. 25,
concl. Roujou.
73. DEBARD T., « L'égalité des citoyens devant les charges publiques fondement incertain de la
responsabilité administrative », D.  1987, Chron.  158. D'ailleurs, dans l'arrêt Gardedieu, le Conseil
d'État jugeait, dans un considérant devenu classique, « que la responsabilité de l'État du fait des lois est
susceptible d'être engagée, d'une part, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges
publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi
n'ait pas entendu exclure toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant
un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement
aux intéressés », CE, Ass., 8 fév. 2007, Gardedieu, n° 279522, Lebon p. 78, concl. L. Derepas.
74. GASTINES (de) L., « La responsabilité extracontractuelle des personnes morales publiques »,
op. cit. L'auteur définit la « responsabilité-prix » de la manière suivante : il s'agit des cas où « toute personne
morale qui exerce une activité correspondant à la satisfaction d'un intérêt public, et tenue pour régulière, doit
réparer, indemniser les dommages spéciaux et anormaux infligés à des tiers au titre de cette activité ».
75. D'ailleurs, la Professeure M. Canédo-Paris se demandait si le cœur du débat de la
responsabilité de l'État du fait des lois résidait dans la qualification ou non de la faute, CANEDOPARIS M., « Responsabilité pour faute ou responsabilité sans faute : est-ce là vraiment la question ? »
AJDA, 2009, p. 1457.
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