604 LE JUGE ADMINISTRATIF ET LA LOI (1789-1889) 1621. Mais l'ambiguïté de ce débat tient au don d'ubiquité du chef de l'État. Seul titulaire du pouvoir exécutif, il maîtrise aussi largement la fonction législative pendant presque toute la période étudiée. Quant à sa participation à la fonction juridictionnelle, les choses sont plus difficiles à discerner encore : l'administrateur-juge constitue-t-il seulement une vraie justice ? 1622. L'un des intérêts majeurs de la consolidation autoritaire de l'administrateur-juge est donc d'avoir provoqué une réflexion approfondie sur ce qu'était la fonction juridictionnelle. Est-ce le fait d'accomplir une certaine opération intellectuelle, le syllogisme ? Est-ce simplement le fait de résoudre un litige, comme le laisse entendre la confusion des notions de juridiction et de contentieux ? Est-ce l'inamovibilité ? Est-ce la publicité ? Est-ce le fait de respecter une certaine procédure ? Est-ce le fait de rendre un certain type de décisions ayant un certain type d'autorité ? N'est-ce pas simplement l'impossibilité d'être juge et partie ? 1623. Juge sans loi, l'administrateur-juge est dans la France d'après 1789 une aporie politique. Mais en provoquant les débats rapportés, il a fondé la juridiction administrative que nous connaissons : celle d'abord construite par la doctrine et la jurisprudence, plutôt que par la loi.