Bibliothèque de droit public - Tome 312 - Le juge administratif et la loi (1789-1889) - 75

UN CHOIX INAVOUABLE

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140. En l'an II, malgré une terminologie fluctuante, la volonté d'une profonde réforme législative est difficilement contestable. La commission de floréal a
pu successivement être désignée comme « chargée de rédiger en un code succinct
et complet les lois rendues jusqu'à ce jour »207, ou comme commission « pour le
recensement et la rédaction complette des lois »208, on a vu que son rôle ne se
limitait pas à cette simple rédaction. Dès lors, même si le plan présenté par
Cambacérès est dit « plan général de la classification des lois »209, le travail entrepris dépasse manifestement la simple collection de textes en vigueur.
141. La terminologie se fixe définitivement sous le Directoire. On ne parle
plus alors que de classification des lois. Eschassériaux aîné, lorsqu'il proposa en l'an
IV la formation d'une commission, évoqua d'abord un « plan de classification et de
recensement des lois »210. Si l'expression « commission chargée de la révision des
lois »211 se lit encore le 22 brumaire an IV212, à compter du 13 nivôse an IV213 et
jusqu'à la fin du Directoire, on ne parle plus que de « commission de la classification des lois » puis de « commission de la classification des lois administratives ».
142. Or il semble que ce glissement sémantique ne soit pas fortuit et trahisse
un retrait du législateur. Le dictionnaire de l'Académie française rappelle que classifier est « emprunté d'une forme latine factice classificare, composé de classis,
"classe", et facere, "faire" » et signifie « classer méthodiquement ». La codification, en revanche, consiste à « réunir des lois ou des règlements épars en un corps
unique et cohérent ». Alors que la classification se borne à ranger les textes, la
codification en fait un ensemble dont la rationalité est exacerbée jusqu'à l'unité.
Bentham, le premier en 1815 à employer le terme de codification, désigne ainsi un
« corps complet de législation »214. Le code complet des lois entrepris sous la
Terreur s'inscrit dans cette veine. Mais cette expression disparaît complètement
sous le Directoire. La commission de la classification des lois est d'abord divisée en
sections spécialisées par matières, puis en commissions distinctes - toujours spécialisées - sans que jamais aucun discours ou texte officiel ne fasse explicitement
référence à l'idée d'exhaustivité, pourtant caractéristique d'une codification.
143. Les travaux de la commission de la classification des lois sont pourtant
bien des « codes » : code administratif, Code civil, Code pénal... Mais cet usage
doit se comprendre au sens ancien du terme. Ainsi, « le terme de "code" fut [...]
utilisé dans la langue juridique dès la fin du IIIe siècle pour décrire le résultat de
certaines entreprises de rassemblement du droit existant, ainsi qualifiées en raison
de leur présentation matérielle [...]. Dans cette simple perspective d'une compilation des textes juridiques, le phénomène est d'ailleurs plus ancien encore [...].
207. « Séance du 3 floréal an II (22 avril 1794) », AP, 1re sér., t. 89 ; Collection générale des décrets
rendus par la Convention nationale, avec mention de leur date - mois floréal, an II, Paris, Baudouin,
vol. 21, p. 20.
208. « Rapport et projet de décret sur le Plan général de la classification des lois, présentés au
nom du Comité de Salut Public, et de la commission du recensement et de la rédaction complète des
lois, par Cambacérès. Imprimés par ordre de la Convention nationale », op. cit., p. 1.
209. Idem.
210. « Suite de la séance du 11 brumaire », RMU, an 4, t. 26, p. 362.
211. « Séance du 22 brumaire an IV », Procès-verbal des séances du Conseil des Cinq-Cents,
imprimé en vertu de l'Acte constitutionnel, Brumaire an IV, Paris, Impr. nat., s.d., p. 123.
212. Le 13 novembre 1795.
213. Le 3 janvier 1796.
214. D. Bureau, « Codification », in : D. Alland, S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture
juridique, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2003, p. 225.
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